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DE CLAUSTRE.

borde. Il obtient de sa générosité plus d’argent qu’il n’en faut pour acheter le congé de son neveu Boutaudon le guerrier ; il garde le reste pour lui.

Enfin, le 8 avril 1766, les deux amants se marient dans la paroisse de Saint-Louis. Le sieur Desmartres avait alors trente-quatre ans ; il pouvait contracter sans avertir ses parents. « Ce fut, dit Claustre, page 14, par un ordre singulier de la Providence, qui avait des desseins de justice et de miséricorde sur toutes les parties. » Il s’écrie, quelques lignes après : « Je ne conçois pas encore comment tout cela s’est opéré, mais j’ai dit souvent en moi-même : Digitus Dei est hic. » En effet, il n’eut pas de peine à persuader au sieur Desmartres fils que la Providence jetait des yeux très-attentifs sur son bien ; et il eut une mission expresse de se rendre maître absolu de tout.

Dans les premiers transports de sa joie, il ne peut résister à la tentation de faire sentir son triomphe au sieur Jean-François de Laborde. Il lui écrit immédiatement après la célébration du mariage :


« Monsieur,

« Je suis chargé de vous annoncer un nouvel événement dans votre famille. M. votre neveu Desmartres s’est marié ce matin, et a épousé ma nièce, fille du sieur Boutaudon, imprimeur du roi à Clermont. Elle est à peu près de son âge ; elle a de l’éducation, du bon sens, de l’intelligence dans les affaires : il y a lieu d’espérer qu’elle régira avec prudence les affaires de son mari, et qu’elle les défendra avec modération.

Le sieur Delaune, procureur, est révoqué ; je me mets à la tête des affaires en attendant que ma nièce en ait pu prendre connaissance ; mais nous ne ferons rien sans un bon conseil.

Serai -je assez heureux pour rétablir la bonne intelligence entre le père et le fils, entre l’oncle et le neveu ? C’est ce que je désire le plus vivement, pour vous donner des marques de mon attachement.

J’ai l’honneur d’être avec respect, etc. »

C’était un peu insulter le sieur Jean-François de Laborde, et toute la famille. Mais les saints ont leurs faiblesses.

Voilà donc cet homme qui, ayant choisi une retraite chrétienne pour s’occuper uniquement de l’affaire de son salut, se met à la tête de celles du sieur Desmartres, et prend la place du