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établis successivement, depuis 1746, à Sacconnex, Meirin, Myoux, Lelex et Divonne.

Cinq de ces bureaux, Sacconnex, Versoi, Myoux, Gex et Divonne, sont surveillés par un brigadier, un lieutenant et quatre employés, sous les ordres d’un capitaine général ; et les trois autres bureaux, Collonges, Meirin et Lelex, sont gardés chacun par une sous-brigade composée d’un lieutenant et de trois employés.

Quatre pareilles sous-brigades sont encore postées à Verny, Saint-Genix, Saint-Jean et Sauverny ; de manière que le pays se trouve investi et couvert de bureaux et d’employés de toutes parts.

Ses habitants sont d’autant plus malheureux que, éloignés des villes de commerce du royaume, ils sont forcés de se pourvoir à Genève de tout ce dont ils ont besoin pour leur subsistance, pour leur habillement et pour l’agriculture, et réduits à la nécessité de payer des droits excessifs à l’entrée du pays, ou à s’exposer à des confiscations et à des amendes qui les ruinent.

Au sel de Peccais, dont le pays de Gex a toujours fait usage, a été substitué, le 1er octobre 1774, du sel de Provence, sale, dégoûtant, mélangé d’une terre rouge, nuisible aux hommes, aux bestiaux et à la fabrication des fromages du pays.

Ce mauvais sel coûte 39 livres 8 sous 10 deniers le minot, y compris les 6 livres de crue accordées à la province, et les 8 sous pour livre de cet impôt ; tandis que la ferme fournit annuellement 6,000 minots de sel, d’une meilleure qualité, à la ville de Genève, au prix de 6 livres 7 sous 10 deniers le minot ; et 4 à 5,000 minots à la république du Valais et à la ville de Sion, à 5 livres seulement.

Le tabac, qui se vend 3 livres 2 sous la livre, poids de marc, à l’entrepôt de Gex, ne coûte qu’environ 18 sous la livre, poids de 18 onces, à Genève et en Suisse.

Il en est de même de plusieurs autres denrées et marchandises qui viennent à Genève, en franchise des droits de la ferme, et qui, par cette raison, y sont à meilleur marché que dans le pays.

Faut-il s’étonner, après cela, s’il arrive si souvent aux habitants du pays de Gex de se pourvoir à Genève (seul débouché qu’ils ont pour la vente de leurs denrées) d’un peu de sel et de tabac pour leur usage, et d’éluder les droits de la ferme sur les choses absolument nécessaires à leur subsistance et à leur vêtement.

Est-il une tentation plus forte que celle à laquelle ils sont continuellement exposés ? Est-il quelque chose de plus touchant