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330 LA MOUT DH CKSAR.

Alais qu’il ignore au moins quel sang il persécute : Il ne mérite pas de te devoir le jour. Ingrat à tes bontés, ingrat à ton amour, lîeuonce-lc pour 111s.

CÉSAR.

Je ne le puis : je l’aime.

ANTOINE.

Ah ! cesse donc d’aimer l’éclat du diadème, Descends donc de ce rang où je te vois monté : La bonté convient mal à ton autorité ; De ta grandeur naissante elle détruit l’ouvrage. Quoi ! Rome est sous tes lois, et Cassius l’outrage ! Quoi ! Cimber, quoi ! Cinna, ces obscurs sénateurs. Aux yeux du roi du monde afTectent ces hauteurs ! Ils l)ravent ta puissance, et ces vaincus respirent !

CÉSAR.

— Ils sont nés mes égaux, mes armes les vainquirent. Et, trop au-dessus d’eux, je leur puis pardonner De frémir sous le joug que je veux leur donner.

ANTOINE.

Marins de leur sang eût été moins avare ; Sylla les eût punis.

CÉSAR.

Sylla fut un barbare ; Il n’a su qu’opprimer : le meurtre et la fureur Faisaient sa politique ainsi que sa grandeur : 11 a gouverné Rome au milieu des supplices ; Il en était l’effroi, j’en serai les délices. Je sais quel est le peuple : on le change en un jour Il prodigue aisément sa haine et son amour. Si ma grandeur l’aigrit, ma clémence l’attire. Un pardon politique à qui ne peut me nuire. Dans mes chaînes qu’il porte un air de liberté. Ont ramené vers moi sa faible volonté. Il faut couvrir de fleurs l’abîme où je l’entraîne. Flatter encor ce tigre à l’instant qu’on l’enchaîne, Lui plaire en l’accablant, l’asservir, le charmer. Et punir mes rivaux en me faisant aimer’.

1. Dans Mérope, acte I, scène iv, Polypliontc dit :

C’est encor peu de vaincre, il faut savoir séduire, Flatter Thydre du peuple, au frein l’accoutumer, Et pousser l’art enfin jusqu’à s’en faire aimer.