Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/402

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Éteins entre leurs mains leurs foudres destructeurs,
Remonte au rang des rois, du sein de la misère,
Tu dois à ton état plier ton caractère :
Prends un cœur tout nouveau. Viens, obéis, suis-moi,
Et renais espagnole, en renonçant à toi,
Sèche tes pleurs, Alzire, ils outragent ton père.

Alzire.

Tout mon sang est à vous, mais si je vous suis chère,
Voyez mon désespoir et lisez dans mon cœur.

Montèze.

Non, je ne veux plus voir ta honteuse douleur,
J’ai reçu ta parole, il faut qu’on l’accomplisse.

Alzire.

Vous m’avez arraché cet affreux sacrifice ;
Mais, quel temps, justes cieux pour engager ma foi !
Voici ce jour horrible où tout périt pour moi,
Où de ce fier Gusman le fer osa détruire,
Des enfants du soleil, le redoutable empire :
Que ce jour est marqué par des signes affreux !

Montèze.

Nous seuls rendons les jours heureux ou malheureux ;
Quitte un vain préjugé l’ouvrage de nos prêtres,
Qu’à nos peuples grossiers ont transmis nos
Ancêtres.

Alzire.

Au même jour hélas ! Le vengeur de l’état,
Zamore mon espoir périt dans le combat,
Zamore mon amant, choisi pour votre gendre.

Montèze.

J’ai donné comme toi des larmes à sa cendre,
Les morts dans le tombeau n’exigent point ta foi,
Porte, porte aux autels un cœur maître de soi ;
D’un amour insensé pour des cendres éteintes
Commande à ta vertu d’écarter les atteintes.
Tu dois ton âme entière à la loi des chrétiens,
Dieu t’ordonne par moi de former ces liens,
Il t’appelle aux autels ; il règle ta conduite,
Entends sa voix.

Alzire.

Mon père, où m’avez-vous réduite !
Je sais ce qu’est un père, et quel est son pouvoir,