Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/538

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Scène VI.



ZOILIN, LAURE, sortant de l’appartement d’Hortense.


ZOÏLIN.

Eh bien, pourrai-je entrer ?

LAURE.

Non, monsieur, pas encore.

ZOÏLIN.

Du moins, en attendant, parlez-moi, belle Laure.
Faut-il que le destin, qui comble de ses dons
Tant d’illustres faquins, tant de fières laidrons,
Puisse au mécbant métier d’une fille suivante
Réduire une beauté si fine et si piquante !

LAURE.

Servir auprès d’Hortense est un sort assez doux.

ZOÏLIN.

Allez, vous vous moquez ; il n’est pas fait pour vous.

LAURE.

Vous le croyez, monsieur ?

ZOÏLIN.

De vous avec Hortense,
Savez-vous, entre nous, quelle est la différence ?

LAURE.

Eh mais, oui.

ZOÏLIN.


L’avantage est de votre côté.
Vous avez tout, jeunesse, esprit, grâces, beauté.
Elle n’a, croyez-moi, que son rang, sa richesse.
Le hasard qui fait tout la fit votre maîtresse.
Moins aveugle, il eût pu la rabaisser très-bien
A l’état de suivante, et vous placer au sien.

LAURE.

Je n’avais jamais eu cette bonne pensée.
Je la trouve, on effet, très-juste et très-sensée.
Vous m’éclairez beaucoup, vous me faites sentir
Que j’étais dès longtemps très-lasse de servir.

ZOÏLIN.


Oui, vous, servir Hortense ? et pourquoi, je vous prie ?
Ce monde-ci, ma fille, est une loterie ;
Chacun y met : on tire, et tous les billets blancs