Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/288

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On ne dit pas si après cette flagellation Onias s’accommoda avec son roi Séleucus, et lui prêta quelques deniers. Ce miracle a paru d’autant plus impertinent aux critiques, que ni le roi d’égypte Sésac, ni le roi de l’Asie Nabucodonosor, ni Antiochus l’illustre, ni Ptolémée Soter, ni le grand Pompée, ni Crassus, ni la reine Cléopatre, ni l’empereur Titus, qui tous emporterent quelque argent du temple juif, ne furent pas cependant fouettés par des anges. Il est bien vrai qu’un saint moine a vu l’ame de Charles Martel que des diables conduisaient en enfer dans un bateau, et qu’ils fouettaient pour s’être approprié quelque chose du trésor de st Denys. Mais ces cas-là arrivent rarement. 10 nous passons une multitude d’anachronismes, de méprises, de transpositions, d’ignorances et de fables, qui fourmillent dans les livres des machabées, pour venir à la mort d’Antiochus l’illustre, décrite au chapitre 9 du livre second. C’est un entassement de faussetés, d’absurdités et d’injures, qui font pitié. Selon l’auteur, Antiochus entre dans Persépolis pour piller la ville et le temple. On sait assez que cette capitale, nommée Persépolis par les grecs, avait été détruite par Alexandre. Les juifs, toujours isolés parmi les nations, toujours occupés de leurs seuls intérêts et de leur seul pays, pouvaient bien ignorer les révolutions de la Chine et des Indes : mais pouvaient-ils ne pas savoir que cette ville, appellée Persépolis par les seuls grecs, n’existait plus ? Son nom véritable était Sestekar . Si c’était un juif de Jérusalem qui eût écrit les machabées, il n’eût pas donné au séjour des rois de Perse un nom si étranger. Delà on conclut que ces livres n’ont pu être écrits que par un de ces juifs hellénistes d’Alexandrie, qui commençait à vouloir devenir orateur. Que de raisons en faveur des savants et des premiers peres de l’église qui proscrivirent l’histoire des Machabées. Mais voici bien d’autres raisons de douter. Le premier livre de cette histoire dit qu’Antiochus mourut l’an 189[1] de l’ère des séleucides, que les juifs suivaient comme sujets des rois de Syrie : et dans le second livre, qui est une lettre prétendue écrite de Jérusalem aux hellénistes d’Alexandrie, l’auteur date de l’an des séleucides 188[2]. Ainsi il parle de la mort d’Antiochus un an avant qu’elle soit arrivée.

  1. La Vulgate, chapitre VI, verset 16, porte : Centesimo quadragesimo nono. La faute de Voltaire ne peut s'expliquer que par une étrange distraction ou par l'existence d'une édition de la Bible dans laquelle on lirait, par faute d'impression : Centesimo octogesimo nono. (B.)
  2. Chapitre Ier, verset 10.