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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/545

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ET DE L'HUMANITE. 535

ce qui devait être la sauvegarde des nations en est si souvent devenu le fléau qu'on est parvenu à douter si la meilleure des législations ne serait pas de n'en point avoir.

En effet, si on vous fait un procès dont dépend votre vie, qu'on mette d'un côté les compilations des Barthole, des Cujas, etc. ; que de l'autre on vous présente vingt juges peu savants, mais qui soient des vieillards exempts des passions qui corrompent le cœur, au-dessus du besoin, qui l'avilit, et accoutumés aux affaires, dont l'habitude rend presque toujours le sens droit; dites-moi par qui vous choisiriez d'être jugés, ou par cette foule de babil- lards orgueilleux, aussi intéressés qu'inintelligibles, ou par ces vingt ignorants respectables?

Après avoir bien senti la difficulté presque insurmontable de composer un bon code criminel, également éloigné de la rigueur et de l'indulgence, je dis à ceux qui entreprendront cette tâche pénible : Je vous supplie, messieurs, de m'éclairer sur les délits auxquels la misérable nature humaine est le plus sujette. Un État bien policé ne doit-il pas les prévenir autant qu'il est possible, avant de penser à les punir?

Je vous proposerais de récompenser les vertus dans le peuple, selon la loi établie dans le plus ancien empire et le mieux policé de la terre, si nous n'étions pas astreints par notre sujet à nous en tenir aux châtiments des crimes.

Commençons par le vol, qui est la plus commune des trans- gressions.

ARTICLE II.

��Le filoutage, le larcin, le vol, étant d'ordinaire les crimes des pauvres, et les lois ayant été faites par les riches, ne croyez-vous pas que tous les gouvernements qui sont entre les mains des riches doivent commencer par essayer de détruire la mendicité, au lieu de guetter les occasions de la livrer aux bourreaux ^ ?

��1. Dans tout pays où, par l'efTet des mauvaises lois, une jiTande partie des habitants n'a ni propriété foncière ni capitaux, la société est nécessairement aftli- gée de ce fléau. Il est bon, sans doute, qu'il y ait des maisons où l'on oft'rc du pain à ceux qui ne peuvent gagner leur vie, en les assujettissant à un travail qu'ils soient capables de faire; mais ces asiles doivent être libres. Les hommes humains et justes seront toujours blessés de voir condamner un malheureux à la perte de sa liberté parce qu'il a demandé du secours à un autre homme. Avec de bonnes lois, les mendiants seraient rares, et le petit nombre qu'il pourrait y avoir encore ne serait ni incommode ni dangei'eux. (K.)

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