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400 REMARQUES SUR POLYEUCTE.

Vers 13. De pensers sur pensers mon àme est agitée, De soucis sur soucis elle est inquiétée.

Il n'y a pas là d'élégance, mais il y a de la vivacité de senti- ments.

Vers 13. Je sens l'amour, la haine, et la crainte et l'espoir, La joie et la douleur tour à tour l'émouvoir.

La joie : ce mot ne découvre-t-il pas trop la bassesse de Félix ? Quel moment pour sentir de la joie !

Vers 31. A punir les chrétiens son ordre est rigoureux. Un ordre a punir est un solécisme.

Vers 44. Et de tant de mépris son esprit indigné... Du courroux de Décie obtiendroit ma ruine.

Cette crainte n'est-elle pas aussi frivole que celle où était Pau- line que son mari et son amant ne se querellassent au temple? Personne ne craint pour Félix ; il n'a rien à redouter en deman- dant l'ordre de l'empereur; il affecte une terreur qui paraît peu naturelle.

Vers 62. Mais si par son trépas l'autre épousoit ma fille i,

J'acquerrois bien par là de plus puissants appuis, etc.

Voici le sentiment le plus bas qu'on puisse jamais développer ; mais il est ménagé avec art.

Ces expressions, l'autre épousait ma fille, j'acquerrais par là, cent fois plus haut, sont aussi basses que le sentiment de Félix. Cepen- dant j'ai toujours remarqué qu'on n'écoutait pas sans plaisir l'aveu de ces sentiments, tout condamnables qu'ils sont. On aimait en secret ce développement bonteux du cœur bumain ; on sentait qu'il n'est que Iro]) vrai que souvent les bommes sacri- fient tout à leur propre intérêt. Enfin Félix dit au moins qu'il déteste ces pensers si làcbes; on lui pardonne un peu. Mais pardonnc-t-on à Albin, qui lui dit qu'il a l'âme trop haute?

C'est ici le lieu d'examiner si on peut mettre sur la scène tragique des caractères bas et làcbes. Le public en général ne les aime pas. Le parterre murmure quand Narcisse dit dans Bri- lannicus- : Et pour nous rendre heureux perdons les misérables. On

1. Voyez encore sur ces vers le paragraphe ix du Pot-pourri {dans las Mélanges, année 1764).

2. Acte II, scène viii.

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