à ses gages, et exigea de moi que j’engageasse mon ami à se servir de cet homme. C’est un nommé Blavet[1], excellent pour la flûte, et peut-être fort médiocre pour un opéra. Mais heureusement M. le comte de Clermont, qui, quoique prince, entend raison, nous promit que, si on n’était pas content de la première scène de notre homme, il serait cassé aux gages, et que la pièce serait remise entre les mains d’un autre. Voilà ce que je vous mande, sans que mon esprit républicain soit le moins du monde amolli par un prince, ni asservi à la moindre Complaisance ; en fait de beaux-arts, je ne connais personne : ainsi, je ne vous demande rien pour le sieur Blavet ; mais je vous demande beaucoup pour moi ; c’est que je puisse enfin voir le Triomphe de la beauté et le vôtre. Je ne pourrai peut-être pas arriver à Rouen aussitôt que je l’espérais. Je ne prévois pas que je puisse me remettre en prison avant le mois de décembre. En attendant, vous devriez bien m’envoyer ce Triomphe, que je porterais à Richelieu, où je vais passer quinze jours. Le maître de la maison a passé toute sa vie dans ces triomphes que vous chantez. Il sera là dans son élément, et il est un assez bon juge de camp dans ces tournois-là.
À l’égard de mon Ériphyle, je l’ai bien refondue. J’ai rendu l’édifice encore plus hardi qu’il n’était. Androgide ne prononce plus le nom d’amour. Ériphyle, épouvantée par les menaces des dieux, et croyant que son fils est encore vivant, veut lui rendre la couronne, dût-elle expirer de la main de son fils, suivant la prédiction des oracles. Elle apprend au peuple assemblé qu’elle a un fils ; que ce fils a été éloigné dès son enfance, dans la crainte d’un parricide, et elle le nomme pour roi. Androgide, présent à ce spectacle, s’écrie :
Peuples, chefs, il faut donc m’expliquer à mon tour[2] ;
L’affreuse vérité va donc paraître au jour.
Ce cruel rejeton d’une royale race,
Ce fils, qu’on veut au trône appeler en ma place,
Cet enfant destiné pour combler nos malheurs,
Qui devait sur sa mère épuiser ses fureurs,
Il n’est plus ! et mes mains ont prévenu son crime.
Androgide donne des preuves qu’il a tué cet enfant qui était réservé à de si grands crimes. La reine voit donc en lui le meurtrier de son époux et de son fils. Androgide sort de l’assemblée