Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
CORRESPONDANCE.

père a changé de résolution, et mon mal de teste qui m’empêche d’étudier m’a fait aussi changer d’envie ; ainsi vous n’aurez plus aucun prétexte de délay. Et moy, flatté de l’espérance que je vois[1] recevoir une de vos lettres dans quatre ou cinq jours d’icy, je mets à la fin de la mienne avec bien du plaisir : je suis votre très-humble serviteur et amy

Arouet.



5[2]. — À M. FYOT DE LA MARCHE[3].

Monsieur, j’ay différé deux ou trois jours à vous écrire afin de pouvoir vous dire des nouvelles de la tragédie que le père Lejay[4] vient de faire représenter : une grosse pluye a fait partager le spectacle en deux après dinées, ce qui a fait autant de plaisir aux écoliers que de chagrin au père Lejay ; deux moines se sont cassez le col l’un après l’autre si adroitement qu’ils n’ont semblé tomber que pour servir à notre divertissement ; le nonce de Sa Sainteté nous a donnez huit jours de congez. M. Thevenard a chanté, le père Lejay s’est enroué ; le père Porée[5] a prié Dieu pour obtenir un

    de l’Université et quelquefois au delà. M. Edmond, dans son Histoire du collége Louis-le-Grand, a cité un compte-rendu de la thèse soutenue par le fils de Louvois en 1681. (H. B.)

  1. Pour : vais. Voltaire, comme vous voyez, est bien loin de son orthographe.
  2. Publiée par M. H. Beaune dans Voltaire au collége.
  3. Cette lettre n’est pas datée, mais elle est évidemment du 6 ou du 7 août 1711. On sait en effet que le 3 de ce mois, à l’occasion de la distribution des prix du collége Louis-le-Grand, le P. Lejay fit représenter « à midy précis » une tragédie intitulée Crésus, et un ballet : Apollon législateur, ou le Parnasse réformé, ballet meslé de chants et de déclamation, qui sera dansé à la tragédie de Crésus, le mercredi 5 août 1711. C’est le titre de la seconde pièce, imprimée, comme la première, à Paris, chez Louis Sévestre, in-4°, pages 8 et 14.
  4. Gabriel-François Lejay, petit-neveu de Nicolas Lejay, premier président du parlement de Paris, naquit dans cette ville en 1657 ou 1662, selon la Biographie universelle. Il passa dans la société de Jésus cinquante-sept années, dont dix-neuf furent consacrées à professer la rhétorique au collège Louis-le-Grand. En quittant la chaire d’éloquence, il fut nommé préfet de la congrégation établie dans le même collège, et mourut dans ces fonctions le 21 février 1734. On a de lui un certain nombre de tragédies, dont les PP. de Baecker donnent la liste complète, des discours et des traductions, entre autres celle des Antiquités romaines de Denys d’Halicarnasse, qui fut vivement critiquée par l’abbé Bellenger, devancé dans ce travail par le P. Lejay. Le Mercure de France, à partir de l’année 1717, renferme de curieuses analyses des nombreuses pièces que ce savant rhéteur faisait représenter par les écoliers de Louis-le-Grand. Le P. Lejay était un bon professeur et un excellent homme ; mais il ignorait l’art de se faire aimer de ses élèves, et notamment de Voltaire, qui ne se lassait pas de se moquer de lui. (H. B.)
  5. Tout le monde connaît le P. Porée. Il me suffira de rappeler ici qu’il naquit à Vende, près Caen, le 4 septembre 1667, et mourut à Paris le 10 janvier 1741. Les