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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/142

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En secret sur ceux qu’il embrasse
Cherche à distiller son venin ;

Lui dont les larcins satiriques[1],
Craints des lecteurs les plus cyniques,
Ont mis tant d’horreurs sous nos yeux ?
Cet infâme, ce fourbe insigne.
Pour moi n’est qu’un esclave indigne.
Fût-il sorti du sang des dieux.

Qui croirait, messieurs, que Rousseau ose se plaindre aujourd’hui que ce soit lui qui soit le calomnié ? Permettez-moi de vous faire souvenir ici d’un trait de l’ancienne comédie italienne. Arlequin ayant volé une maison, et ne trouvant pas ensuite tout le compte des effets qu’il avait pris, criait au voleur de toute sa force. Rousseau suppose premièrement que mon Épître sur la Calomnie est adressée à la respectable fille de M. le baron de Breteuil, un de ses premiers maîtres. Mais qui lui a dit qu’elle ne l’est pas à une des filles de M. le duc de Noailles, ou de M. Rouillé, ou de M. le maréchal de Tallard ? Car a-t-il eu un maître qu’il n’ait payé d’ingratitude, et qu’il n’ait forcé à le chasser ? Je veux que cette épître soit adressée à la fille de M. le baron de Breteuil, mariée à un homme de la plus grande naissance de l’Europe, et illustre par l’honneur que les beaux-arts reçoivent de son génie et de son savoir, qu’elle veut en vain cacher ; cela ne servira qu’à faire voir combien Rousseau est hardi dans le crime et impudent dans le mensonge. Il crie qu’on le calomnie, qu’il n’a jamais fait des vers contre feu M. de Breteuil. Voulez-vous savoir, messieurs, de qui je tiens la vérité qu’il combat si impudemment ? De la propre personne à qui il a eu la folie de l’avouer, et de cette respectable dame, la fille même de M. de Breteuil, qui le sait comme moi, et sous les yeux de laquelle j’ai l’honneur d’écrire une vérité d’ailleurs si connue. Il a beau dire qu’il a encore des lettres de M. le baron de Breteuil, il a beau avoir adressé à ce seigneur une très-mauvaise épître en vers ; qu’est-ce que cela prouve ? Que M. le baron de Breteuil était indulgent, et que son domestique pousse l’impudence au comble. Est-ce donc la seule fois qu’il a écrit pour et contre ses bienfaiteurs ? N’a-t-il pas appelé M. de Francine un homme divin, après avoir fait contre lui l’indigne satire de la Francinade ? Il avait fait cette satire, parce que tous ses opéras sifflés avaient été mis au rebut par M. de

  1. Au lieu de satiriques, le texte de Lamotte porte marotiques.