Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

694. — À M. L’ABBÉ D’OLIVET.
À Cirey …

Mon cher maître, j’ai enfin reçu votre Prosodie[1], petit livre où il y a beaucoup à prendre, qui était très-difficile à faire, et qui est fort bien fait. Je vous en remercie, et j’ai grande envie de voir le reste de l’ouvrage. Mandez-moi donc tout franchement si vous croyez que l´ode[2] puisse tenir contre cette ode de M. Racine. Vous n’êtes pas dans la nécessité de louer mon ode, parce que je loue votre Prosodie. Vous ne me devez que la vérité, car c’est la seule chose que vous recevez de moi quand je vous loue ; et je vous aurai plus d’obligation de vos critiques, dont j’ai besoin, que vous ne m’en aurez de mes éloges, dont vous n’avez que faire.

Qu’est-ce que c’est, mon cher abbé, qu’une comédie intitulée l’Enfant prodigue, qu’il a pris en fantaisie à la moitié de Paris de m’attribuer ? Je suis bien étonné que l’on parle encore de moi ; je voudrais être oublié du public, et jamais de vous.


695. — À M. DE CIDEVILLE.
À Cirey, ce 8 décembre.

Une comédie ; après une comédie, de la géométrie ; après la géométrie, la philosophie de Newton ; au milieu de tout cela, des maladies ; et, avec les maladies, des persécutions plus cruelles que la fièvre : voilà, mon cher ami, semper amale, semper honorate, ce qui m’a empêché de vous écrire. Ou n’être point avec moi, ou travailler, ou souffrir, a été, sans discontinuer, ma destinée. Nous avons envoyé les vers sur Newton[3] au philosophe Formont, et j’envoie au délicat, au charmant Cideville, l’Enfant prodigue. Ce n’est pas que vous ne soyez philosophe, et que M. de Formant ne soit homme de belles-lettres : il vous a fait part de notre Newtonique, et vous lui communiquerez notre Enfant. Je me fais un plaisir d’autant plus sensible de vous l’envoyer que c’est encore un secret pour le public. On doute que cet enfant soit de moi, mais je n’ai point pour vous de secret de famille ; vous jugerez s’il a un peu l’air de son père.

J’ai fait cet enfant pour répondre à une partie des imperti-

  1. Voyez la lettre 642.
  2. L’Ode sur la Paix. Voyez plus haut la lettre 662, à d’Olivet.
  3. Voyez lettre 637.