Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/252

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ce que l’on pourrait fniro pour avoir ce profane-là, au lieu d’un sacristain ? Il ne s’agit que de le présenter à M. le marquis du Châtelet, qui demeure rue Beaurepaire, au Chef Saint-Denis, dans la maison de Mlle Baudisson. Je crois que vous rendrez service à ce jeune homme et à ceux auprès de qui vous le placerez.

Tout le monde me parle d’Épître sur le Bonheur[1] qu’on m’attribue et que je n’ai point lue. Si vous savez ce que c’est, vous me ferez plaisir de m’en instruire. Je suis très-fâché que l’on fasse courir quoi que ce puisse être sous mon nom ; je me trouve si bien de ma tranquillité et de ma solitude, que je voudrais avoir toujours été inconnu, excepté du petit nombre de personnes qui vous ressemblent. J’ai raison d’appeler ce nombre très-petit.

On ne peut être avec plus d’estime que je le suis, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


738. — DE FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
Remusberg, 7 avril.

Monsieur, il n’y a pas jusqu’à votre manière de cacheter qui ne me soit garant des attentions obligeantes que vous avez pour moi. Vous me parlez d’un ton extrêmement flatteur ; vous me comblez de louanges ; vous me donnez des titres qui n’appartiennent qu’à de grands hommes ; et je succombe sous le faix de ces louanges.

Mon empire sera bien petit, monsieur, s’il n’est composé que de sujets de votre mérite. Faut-il des rois pour gouverner des philosophes ? des ignorants pour conduire des gens instruits ? en un mot, des hommes pleins de leurs passions pour contenir les vices de ceux qui les suppriment, non par la crainte des châtiments, non par la puérile appréhension de l’enfer et des démons, mais par amour de la vertu ?

La raison est votre guide ; elle est votre souveraine, et Henri le Grand, le saint qui vous protège. Une autre assistance vous serait superflue. Cependant, si je me voyais, relativement au poste que j’occupe, en état de vous faire ressentir les effets des sentiments que j’ai pour vous, vous trouveriez en moi un saint qui ne se ferait jamais invoquer en vain ; je commence par vous en donner un petit échantillon. Il me parait que vous souhaitez d’avoir mon portrait ; vous le voulez, je l’ai commandé sur l’heure.

Pour vous montrer à quel point les arts sont en honneur chez nous, apprenez, monsieur, qu’il n’est aucune science que nous ne tâchions d’ennoblir. Un de mes gentilshommes, nommé Knobelsdorff[2]. qui ne borne pas ses

  1. Le premier des Discours sur l’Homme.
  2. Jean-Georges-Wences]as de Knobelsdorff, né en 1697. mort le 15 septembre 1753 : voyez son Èloge par le roi de Prusse : Voltaire l’appelle Knobersdoff dans ses Mémoires.