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Voici un petit quatrain en réponse à l´honneur qu´il m’a fait de m’envoyer son Épître :

Lorsque sa muse courroucée
Quitta le coupable Rousseau,
Elle te donna son pinceau,
Sage et modeste La Chaussée.

Il ne faut pas oublier ce jeune M. de Verrières : car nous devons encourager la jeunesse.

Élève heureux du dieu le plus aimable,
Fils d’Apollon, digne de ses concerts,
Voudriez-vous être encor plus louable ?
Ne me louez pas tant, travaillez plus vos vers.
Le plus bel arbre a besoin de culture ;
Émondez-moi ces rameaux trop épars ;
Rendez leur sève et plus forte et plus pure.
Il faut toujours, en suivant la nature,
La corriger : c’est le secret des arts[1].

C’est ce qui fait que je me corrige tous les jours, moi et mes ouvrages.

Vous trouverez sur une dernière feuille une chose que je n’avais faite de ma vie, un sonnet[2]. Présentez-le au marquis, ou non marquis, Algarotti, et admirez avec moi son ouvrage sur la lumière. Ce sonnet est une galanterie italienne. Qu’il passe par vos mains, la galanterie sera complète.


581. — À MADAME LA MARQISE DU DEFFANT.
À Cirey, par Vassy en Champagne, 18 mars.

Une assez longue maladie, madame, m’a empêché de répondre plus tôt à la lettre charmante dont vous m’avez honoré. Vous devez vous intéresser à cette maladie : elle a été causée par trop de travail. Eh ! quel objet ai-je dans tous mes travaux que l’envie de vous plaire, de mériter votre suffrage ? Celui que vous donnez a mes Américains, et, surtout, à la vertu tendre et simple d’Alzire, me console bien de toutes les critiques de la petite ville qui est à quatre lieues de Paris, à cinq cents lieues du bon goût, et qu’on appelle la cour. Je ferai ce que je pourrai assurément pour

  1. Les quatre derniers vers diffèrent peu de ceux qu’on lit dans la lettre 210.
  2. Voyez ce sonnet, tome X, dans les Poésies mêlées, à la date de 1736.