Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/68

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la force de votre esprit ; faites des nœuds avec les autres femmes, mais parlez-moi raison.

Je vous supplie, madame, de me ménager les bontés de M. le président Hénault : c’est l’esprit le plus droit et le plus aimable que j’aie jamais connu. Mille respects, et un éternel attachement.


582. — À M. THIERIOT.
Cirey, ce 20 mars.

J’ai lu, mon cher plénipotentiaire, la critique[1] que fait M. Prévost de nos Américains. Il ne la fait pas assurément en homme de l’autre monde, mais comme un Franrais très-poli. Les Desfontaines doivent dire :

Nous seuls en ces climats nous sommes les barbares.

(Alzire, acte I, scène i.)

Je suis encore plus obligé à M. Prévost de ses critiques que de ses louanges. Il ne faut être que le Mercure galant, de Visé, pour louer ; mais, pour critiquer avec finesse et sans blesser, il faut avoir l’esprit bien délicat et bien poli. Je ne suis pas de son avis sur bien des choses, mais mon estime pour lui a redoublé par le même endroit qui rend d’ordinaire les auteurs irréconciliables.

La plupart des critiques que vous m’avez envoyées m’ont paru fausses, et sont démontrées telles aux yeux d’Émilie, car il lui faut des démonstrations.

Que feront les comédiens après Pâques ? Que fait Rameau ? Voilà deux grands objets. Voyez-vous, mon ami, les Américains et Samson ? hoc est pour moi omnis homo[2]. Avez-vous écrit à Tom Grignon pour nos estampes[3] ? Savez-vous des nouvelles de la Zaïre anglaise[4] ? Hélas ! sera-t-elle déshonorée par une traduction d’Abensaïd ? C’est envoyer ma Zaïre laver la vaisselle que de la mettre à côté de cet Aben[5]. Quand est-ce donc que les élus et les réprouvés seront séparés ?

La pauvre pièce que cette Didon !  ? Ne me décelez pas[6], cela

  1. Dans le Pour et Contre, tome VIII, page 97, nombre cx.
  2. Hoc est enim omnis hommo. (Ecclésiaste, xii, 13.)
  3. Pour la Henriade que publia Prault en 1737.
  4. C’est-à-dire traduite en anglais par Hill  ; voyez tome II, page 549.
  5. Voyez la lettre 563.
  6. Il s’agit peut-être du Fragment d’une lettre sur Didon : voyez tome XXII, page 231.