Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/73

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Vous allez finir bientôt vos affaires : car qui n’en passera pas parce que vous ordonnerez, et quel autre arbitre que vous peut-on prendre dans les affaires qui vous concernent ? Mme  la marquise du Châtelet, qui vous écrit par cet ordinaire, espère vous posséder, quelque jour, dans le château dont j’ai été le maçon sous les ordres de cette Minerve ; elle travaille tous les jours à changer ce désert en un séjour délicieux. Il n’y manquera rien quand vous y serez.

Les affaires, les tracasseries, sont venues me chercher de Paris jusque dans le sein de cette solitude ; voilà ce qui fait que je vous écris si peu de choses, et que je n’écris point au philosophe aimable Formont. Je vous embrasse mille fois, mon cher ami ; et l’espérance de vous voir à Cirey augmente tous mes plaisirs et adoucit toutes mes peines. Rouen porte donc aussi des monstres. L’abbé Desfontaines en est un qu’il faudrait étouffer. Adieu.


587. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].

Vous voilà sans doute revenu de votre palais de Minerve, établi à Beauvais par le Zeuxis des animaux. Songez donc un peu à présent, mon cher ami, à votre solitaire de Champagne. Vous m’avez parlé autrefois d’une certaine caisse, d’une certaine douzaine d’oranges et de citrons, qui seront pourris. Qu’est-ce donc que tout cela est devenu ? J’ai écrit à monsieur votre frère pour le portrait en bague, mais point de réponse encore.

Voici un manuscrit que je vous envoie. Je vous prie d’envoyer chercher par votre frotteur un jeune homme nommé Baculard d’Arnaud, qui demeure chez M. Delacroix, rue Mouffetard, troisième porte cochêre[2]. Donnez-lui, je vous en prie, ce manuscrit, et faites-lui de ma part un petit présent de douze francs. C’est un jeune homme qui est écolier externe au collège d’Harcour. Je vous prie de ne point négliger cette petite grâce que je vous demande. Il y a aussi, ci-inclus, un petit paquet pour la Hollande.

  1. Édition Courtat.
  2. Le 22 janvier précédent. Voltaire écrivait à Baculard d’Arnaud les lignes suivantes, que nous trouvons dans l´Amateur d’autographes, année 1868, page 20 : « Le goût que vous avez pour la poésie, monsieur, vous fait regarder avec trop d’indulgence mes faibles ouvrages. Vous ressemblez aux connaisseurs en peinture qui ne laissent pas de mettre dans leur cabinet des tableaux médiocres en faveur de quelques coups de pinceau qui leur auront plu. Les vers que vous m’avez envoyés sur mes tragédies, en me donnant beaucoup d’estime pour vous, me laissent le regret de mériter si peu vos éloges… »