Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/95

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qu’effectivement elle n’a jamais paru, de quel front le sieur de Voltaire ose-t-il se faire une exception de ce qu’il m’a trompé ? J’ai trop de confiance dans la qualité des juges pour appréhender qu’ils adoptent une défense aussi odieuse. J’espère même que les personnes respectables qui honorent de leur protection les talents du sieur de Voltaire me plaindront d’avoir été séduit par ces mêmes talents, et que, touchées de mes malheurs, elles pardonneront à la nécessité de me défendre et de me justifier, et que je n’ai mise au jour qu’afin de ne me pas laisser ravir l’honneur, le seul bien qui me reste[1].


607. — À M. ***[2].
20 juin 1736.

M. Hérault s’était chargé d´étouffer l’affaire de Jore. Il avait réglé le prix du silence de ce scélérat. Il lui avait ordonné de lui remettre la lettre en question, et de supprimer le libelle sous le nom de factum qui devait paraître. Mais Jore et sa cabale n’ont pas plus tôt reçu les ordres qu’ils ont fait imprimer le libelle et la lettre, jugeant bien qu’en la vendant ils en tireraient plus d’argent que M. Hérault ne leur en eût fait donner. Deux éditions de ce libelle se vendent donc chez tous les libraires. Un libelle impertinent et rempli de calomnies absurdes n’est peut-être pas fort à craindre ; mais si mes ennemis en abusaient pour me persécuter au Parlement, j’ose me persuader que vous m’honoreriez de votre protection.


608. — À M. DE CIDEVILLE.
Ce 21 juin.

Malgré les ordres précis de monseigneur le garde des sceaux, malgré les soins empressés que M. Hérault a daigné prendre pour arrêter l’insolence, l’absurdité et la fourberie de Jore, ce misérable, aveuglé par Launai et par ceux qui le conduisent, a osé consommer son iniquité, et imprimer contre moi un factum ridicule. Pour toute réponse, M. Hérault le fait chercher pour le mettre dans un cul de basse-fosse ; mais comme le misérable, dans son libelle sous le nom de factum[3], a fait imprimer que je suis venu à Rouen sous le nom d’un seigneur anglais, et que je ne l’ai pas payé ; vous, M. de Lézeau, M. de Formont, et M. Des-

  1. Suivait la lettre de Voltaire du 26 mars 1736, n° 584.
  2. Revue rétrospective, 1834. Les Détentions de Voltaire.
  3. Ce factum est reconnu odieux par Jore même, dans sa lettre du 20 décembre 1738, à Voltaire (voyez ci-après).