Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/15

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nité de directions on tout sens. Ils n’ont pas même l’avantage de la simplicité dont ils se flattaient. Cet avantage est tout entier du côté des newtoniens. Il faut avouer que cet avantage, s’il était seul, serait bien peu de chose. Une vraisemblance de plus ne fournit point une preuve. Ce ne sont pas là les armes dont vous vous servez. Qu’est-ce qu’un pas de plus dans cette carrière immense ? Allons donc plus loin, et voyons si la gravitation n’est que vraisemblable, tandis que les tourbillons sont impossibles.

4° Il faut bien d’abord que tous les hommes conviennent de cette nouvelle et admirable vérité, qu’une pierre ne retombe sur la terre que par la même loi qui entraîne la lune autour de la terre. Il faut convenir que tous les astres qui tournent dans des courbes autour du soleil gravitent, pèsent réciproquement sur le soleil. Par cette loi même les comètes, qui ne sont autre chose que des planètes très-excentriques, et qui, dans leur aphélie, peuvent être deux cents fois plus éloignées du soleil que Saturne, pèsent encore sur le soleil par cette simple loi ; et, tous ces corps s’attirant précisément en raison de la masse qu’ils contiennent, et en raison du carré de leurs approchements, forment l’ordre admirable de la nature. On est obligé aussi de convenir qu’il y a une attraction marquée entre les corps et la lumière, cet autre être qui fait comme une classe à part. Arrêtons-nous ici. Cette gravitation, cette attraction, telle qu’elle soit, peut-elle être un principe ? Peut-elle appartenir originairement aux corps ?

5° Je demande d’abord s’il y a quelqu’un qui ose nier que Dieu ait pu donner aux corps ce principe de la gravitation. Je demande s’il est plus difficile à l’Être suprême de faire tendre les corps les uns vers les autres que d’ordonner qu’un corps en pourra déranger un autre de sa place ; que celui-ci végète ; que cet autre ait la vie ; que celui-ci sente sans penser ; que celui-là pense ; que tous aient la mobilité, etc. Si quelqu’un ose nier cette possibilité, je le renverrai à ce livre, aussi précieux que peu étendu, où vous discutez si bien l’attraction. Vous avez fait comme M. Newton, car il vous appartient de faire comme lui ; vous vous êtes expliqué avec quelque réserve, parce qu’il ne fallait pas révolter des esprits prévenus de l’idée que rien ne peut s’opérer que par un mécanisme connu. Mais enfin personne n’ayant pu expliquer cette nouvelle propriété de la matière par aucun mécanisme, il faut bien qu’on s’accoutume insensiblement à regarder la gravitation comme un mécanisme d’un nouveau genre, comme une qualité de la matière inconnue jusqu’à nous.