Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/228

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teur, est une propriété de la matière. Cet univers paraît fondé sur plus d’un principe, et je crois que nous sommes bien loin de les connaître. Nous savons très-bien que les tourbillons ne peuvent causer la pesanteur ; nous savons ce qui n’est pas, et Dieu sait ce qui est.

11° Ne comparez point, monsieur, l’attraction de l’aimant avec cette loi universelle par laquelle tous les corps gravitent les uns vers les autres. L’attraction de l’aimant est d’un tout autre genre.

Celle de l’électricité est encore toute différente, et n’a rien de commun avec les lois découvertes par Newton.

L’attraction de la lumière et des corps est peut-être encore d’une autre espèce. Qu’est-ce que tout cela prouve ? Que la matière agit dans plusieurs cas selon toute autre règle que les lois d’impulsion, et qu’il faut étendre la sphère de la nature beaucoup plus qu’on ne faisait. Mais, diront les vieux philosophes, il y aura donc des mystères dont nous ne pourrons rendre raison par les lois des chocs des corps ? Oui, messieurs, il y en a peut-être des millions ; et, sans aller plus loin, dites-nous pourquoi vous pensez, et pourquoi votre pensée fait remuer votre jambe.

12° Vous faites un reproche à Newton de ce qu’il suppose, dites-vous, ce qui est en question, que chaque partie de la matière a également le pouvoir de la gravitation. Il me semble qu’il ne suppose rien. Il a prouvé que les astres sont retenus dans leurs orbites par la même force qui fait tendre ici tous les corps au centre de la terre. Or les corps tendent tous également à ce centre : donc la même chose arrive à tous les astres, Eadem causa idem effectus.

L’expérience dans le vide est une des démonstrations de cette vérité. Vous ne me ferez pas longtemps l’objection des nues et des exhalaisons qui flottent dans l’air si vous voulez lire dans le premier mathématicien qui vous tombera sous la main les lois des fluides. Vous sentez, sans doute, tout d’un coup la prodigieuse différence entre un corps abandonné librement à la force de la gravitation dans un espace non résistant, et le même corps dans l’eau ou dans l’air dont il faut déplacer les parties. Encore une fois, qu’un génie comme le vôtre daigne lire Keill ou S’Gravesande, ou Musschenbroeck : sans principes vous ne pouvez faire un pas,

13° Vous confondez toujours le centre de gravité d’un corps, qui est le point par lequel, étant suspendu, il n’inclinerait d’aucun côté, avec le foyer de l’orbe que décrivent les planètes : ce sont deux choses qui n’ont aucune ressemblance.