Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/265

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qui devrait être le seul chancelier, qu’il doit bien m’aimer aussi un peu, quoiqu’il n’écrive guère, et qu’il n’aime pas tant les belles-lettres que son aîné.

Mme  du Châtelet vous fait les plus tendres compliments ; elle a brûlé les cartes géographiques qui lui ont prouvé que votre chemin n’est pas par Cirey.

Adieu, monsieur ; ne doutez pas de ma tendre et respectueuse reconnaissance.


1138. — AU PRINCE ANTIOCHUS CANTEMIR[1].
À Cirey, ce 19 avril 1739.

Monseigneur, j’apprends avec chagrin que l’édition des Ledet est déjà faite. Je leur ordonne de faire un carton concernant ce qui regarde votre illustre père, mais les ordres des auteurs ne sont pas plus exécutés par les libraires que ceux du divan ne le sont par les Arabes voleurs. J’ai écrit et je vais écrire encore, mais je ne réponds pas de l’autorité de mon divan. J’ai l’honneur de renvoyer à Votre Altesse l’Histoire ottomane qu’elle a bien voulu me prêter[2], et c’est avec regret que je la rends. J’y ai appris beaucoup de choses. J’en apprendrais encore davantage dans votre conversation, car je sais que vous êtes doctus sermonis cujuscumque linguæ et cujuscumque artis.

Je renvoie l’Histoire ottomane par le carrosse public de Bar-sur-Aube, qui part mercredi prochain 22 du mois : le paquet est à votre adresse à votre hôtel, et les registres du bureau public en sont chargés à Bar-sur-Aube ; si on ne le porte pas chez vous, monseigneur, vous pouvez envoyer vos ordres au bureau de Paris.

J’ai plus d’une raison de me plaindre de la précipitation de mes libraires : ils s’empressent de servir des fruits qui ne sont pas mûrs ; mais, de quelque mauvais goût qu’ils soient, j’aurai l’honneur, monseigneur, de vous les présenter dès que je pourrai en avoir. Je sais que vous faites [ naître ? ] sous vos mains les fruits et les fleurs de tous les climats ; les langues modernes et les anciennes, la philosophie et la poésie, vous sont également familières, votre esprit est comme l’empire de votre autocratrice, qui s’étend sur des climats opposés, et qui tient la moitié d’un cercle de notre globe.

  1. Même source que la lettre 1104.
  2. Voyez la note de la page 211.