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1219. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Ce 26 (décembre 1739).

Eh bien, mon cher ami, vous avez donc employé les cent vieux louis ; soit. Tout ce que vous faites est bien, et vidit quod esset : honum, et est bonum d’avoir trois mille livres-de rente de plus. Il faudra un peu pâtir, cette année 1740, mais aussi, si Dieu permet que je vive, je vivrai à mon aise.

J’ai laissé deux tasses de porcelaine montées avec leurs soucoupes chez M. le duc de Richelieu. Peut-être les aura-t-on laissées dans la chambre, et, en ce cas, vous pourrez les faire redemander par un billet à son concierge dans la maison du Temple ; ou bien vous les avez, et, en ce cas, je vous supplie de me les envoyer par le coche. Je vous prie d’y joindre un énorme pot de pâte liquide, que vous enverrez prendre chez Provost, rue Saint-Antoine, et un très-petit pot de pommade de concombre, belles commissions encore ! Quatre bouteilles d’esprit-de-vin, et puis c’est tout, et pardon.

À l’égard de l’affaire du sieur Collens, je persiste dans mon idée qu’il faut m’en tenir uniquement à me faire rembourser de l’argent que j’ai avancé, compter votre voyage uniquement pour une partie de plaisir qui n’a pas trop coûté, et engager Collens à se charger du remboursement de la façon que je propose. Toute l’affaire est tellement embrouillée que Collens peut encore me demander ( ? ) de la fausse déclaration, parce qu’il a un billet de moi, écrit à son correspondant de Valenciennes, par lequel

    l’édition dans un magasin non déclaré aux officiers de la Librairie ; à quoi voulant pourvoir : Oüy le rapport, le Roy estant en son Conseil, de l’avis de M. le Chancelier, a ordonné et ordonne que les exemplaires du dit livre intitulé Recueil de Pièces fugitives en prose et en vers, par M. de Voltaire seront et demeureront supprimez et mis au pilon en présence de la Communauté des Libraires, qui sera à cet effet extraordinairement assemblée. Et pour la contravention commise par le dit Prault fils, ordonne Sa Majesté que sa boutique sera et demeurera fermée pendant l’espace de trois mois, à commencer du jour de la publication du présent arrest ; luy fait deffences pendant le dit temps de faire directement ou indirectement aucun exercice de sa profession, le condamne en outre en cinq cents livres d’amende, et lui fait deffences de récidiver, sous peine de deschéance de sa maîtrise. Enjoint Sa Majesté au sieur Hérault, Conseiller d’Estat, Lieutenant général de police de la ville, prévosté et vicomté de Paris, de tenir la main à l’exécution du présent arrest, qui sera imprimé, lù, publié et affiché partout où besoin sera, à ce que personne n’en ignore. Fait au Conseil d’Estat du Roy, Sa Majesté y estant, tenu à Versailles le quatre de Décembre mil sept cent trente neuf.

    « Signé Phélypaux. »

  1. Édition Courtat.