Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/553

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auprès de ce prince aimable, et d’oublier dans sa cour la manière indigne dont j’ai été traité dans un pays qui devait être l’asile des arts ; mais la personne[1] qui vous a montré les lettres l’emporte sur celui qui les a écrites, et, quoique je puisse devoir à ce roi, jusqu’à présent le modèle des rois, je dois cent fois plus à l’amitié. Permettez-moi de vous compter toujours parmi ceux qui m’attachent à ma patrie, et que Mme du Deffant ne pense pas que l’envie de lui plaire et d’avoir son suffrage sorte jamais de mon cœur. M. de Formont est-il à Paris ? il est, comme vous le savez, du petit nombre des élus. Mes respects à quelli pochissimi signori, et surtout à vous, monsieur, qui ne m’avez jamais aimé qu’en passant, et à qui je suis attaché pour toujours.

J’espère que Dumolard[2] ne sera pas mal, et qu’il vous aura obligation toute sa vie.


1374. — À M. LE CARDINAL DE FLEURY.
À la Haye, le 4 novembre.

Monseigneur, je ne peux résister aux ordres réitérés de Sa Majesté le roi de Prusse. Je vais, pour quelques jours, faire ma cour à un monarque qui prend votre manière de penser pour son modèle.

J’ai eu l’honneur de faire tenir à Votre Éminence un Anti-Machiavel, livre où l’on ne trouve que vos sentiments, et qui a, ainsi que votre conduite, le bonheur du monde pour objet.

Quel que soit l’auteur de cet ouvrage, si Votre Éminence daignait me marquer qu’elle l’approuve, je suis sûr que l’auteur, qui est déjà plein d’estime pour votre personne, y joindrait l’amitié, et chérirait encore plus la nation dont vous faites la félicité.

Je me flatte que Votre Éminence approuvera mon zèle, et qu’elle voudra bien me le témoigner par un mot de lettre[3], sous le couvert de M. le marquis de Beauvau[4].

Je suis, avec un profond respect, monseigneur, etc.

Voltaire.
  1. Mme du Châtelet, qui était alors à Paris, et qui commençait à savoir très-mauvais gré au roi de Prusse de lui enlever momentanément Voltaire.
  2. Il accompagna Voltaire à Berlin.
  3. Voyez la lettre 1378.
  4. Envoyé à Berlin pour y complimenter Frédéric sur son avènement au trône.