Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/104

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du célèbre poëte dont vous étiez l’ami. Je me mets très-volontiers au rang des souscripteurs, quoique j’aie été malheureusement au rang de ses ennemis les plus déclarés. Je vous avouerai même que cette inimitié pesait beaucoup à mon cœur. J’ai toujours pensé, j’ai dit, j’ai écrit que les gens de lettres devraient être tous frères. Ne les persécute-t-on pas assez ? faut-il qu’ils se persécutent encore eux-mêmes les uns les autres ? Plût à Dieu qu’ils pussent s’aider, se soutenir, se consoler mutuellement, surtout dans un temps où il paraît qu’on cherche à rabaisser un art qui a fait la principale gloire du siècle de Louis XIV ! Il semblait que la destinée, en me conduisant à la ville où l’illustre et malheureux Rousseau a fini ses jours, me ménageât une réconciliation avec lui.

L’espèce de maladie dont il était accablé m’a privé de cette consolation, que nous avions tous deux également souhaitée. L’amour de la paix l’eût emporté sur tous les sujets d’aigreur qu’on avait semés entre nous. Ses talents, ses malheurs, et sa mort, ont banni de mon cœur tout ressentiment, et n’ont laissé mes yeux ouverts qu’à ce qu’il avait de mérite.

Votre amitié pour lui, monsieur, sert encore beaucoup à me faire regretter de n’avoir pu avoir la sienne. J’attends donc avec impatience une édition que votre sensibilité pour sa mémoire, votre goût et votre probité, rendront sûrement digne du public à qui vous la présentez. C’est avec ces sentiments, et ceux de la considération la plus distinguée, que j’ai l’honneur d’être, etc.

Voltaire.



1475. À M. THIERIOT[1].
6 octobre 1741.

N’avez-vous point reçu des lettres de Berlin qui terminent l’affaire de votre pension, et M. Dumolard n’a-t-il pas de son côté reçu une nouvelle invitation ? Je juge par tout ce qu’on m’écrit que tout cela doit être fait.

M. de Maupertuis vous dira sans doute qu’il est prié de venir occuper encore son bel appartement du palais de Berlin. Pour moi, quelque flatteur que soit tout ce qu’on me propose, quelque

    a été écrite, cette lettre avait déjà été rétablie dans les Œuvres de Voltaire par M. Clogenson. Je ne donne pas les variantes qui, d’après ce que j’ai dit, n’étaient que des altérations. (B.)

  1. Pièces inédites de Voltaire, 1820.