Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/147

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siècle, un autre grand homme qui, à la vérité, porte des cornettes, mais dont le cœur est aussi mâle que le vôtre, et dont l’amitié courageuse et inébranlable m’a depuis dix ans imposé le devoir de vivre auprès d’elle.

J’irai sacrifier dans votre temple, et je reviendrai à ses autels.

Puissé-je ainsi, dans le cours de ma vie,
Passer du ciel de mon héros
À la planète d’Émilie !
Voilà mes tourbillons et ma philosophie,
Et le but de tous mes travaux.

Je vais commencer à envoyer à Votre Majesté les papiers qu’elle demande, et elle aura le reste dès que je serai à Bruxelles.

Vainqueur de Charle[1] et son ami,
Soyez donc celui de la France.
Ne soyez point vertueux à demi ;
Avec le monde entier soyez d’intelligence.

Dieu et le diable savent ce qu’est devenue la lettre[2] que j’écrivis à Votre Majesté sur ce beau sujet, vers le fin du mois de juin, et comment elle est parvenue en d’autres mains ; je suis fait, moi, pour ignorer le dessous des cartes. J’ai essuyé une des plus illustres tracasseries de ce monde ; mais je suis si bon cosmopolite que je me réjouirai de tout.


1519. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Potsdam, 25 juillet.

Mon cher Voltaire, je vous paye à la façon des grands seigneurs, c’est-à-dire que je vous donne une tres-mauvaise ode[3] pour la bonne[4] que vous m’avez envoyée, et de plus je vous condamne à la corriger pour la rendre meilleure. Je pense que c’est une des premieres odes où l’on ait tant parlé de politique ; mais vous devez vous en prendre à vous-même ; vous m’avez incité à défendre ma cause. J’ai trouvé en effet que le langage des dieux est celui de la justice et de l’innocence, qui fera toujours valoir le morceau de

  1. Charles-Alexandre de Lorraine, né à Lunéville le 12 décembre 1712, et
    vaincu à Czaslaw.
  2. La lettre 1509. Voyez aussi la lettre 1517.
  3. Sur les jugements que le public porte sur ceux qui sont chargés du malheureux emploi de politiques. (K.) — Cette ode est restée inconnue.
  4. L’Ode d la reine de Hongrie (Marie-Thérèse).