Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/281

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il n’y a personne qui vous soit plus attaché que moi. L’un des descendants de Jacob, honnête fripier, comme tous ces messieurs, en attendant le Messie très-fermement, attend aussi votre protection, dont il a dans ce moment plus de besoin.

Les gens du premier métier de saint Matthieu, qui fouillent les juifs et les chrétiens aux portes de votre ville, ont saisi je ne sais quoi, dans la culotte d’un page israélite, appartenant au circoncis[1] qui aura l’honneur de vous remettre ce billet en toute humilité.

Permettez-moi de joindre mes Amen aux siens. Je n’ai fait que vous entrevoir à Paris, comme Moïse vit Dieu[2] ; il me serait bien doux de vous voir face à face, si le mot de face est fait pour moi. Conservez, s’il vous plaît, vos bontés à votre ancien et éternel serviteur, qui vous aime de cette affection tendre, mais chaste, qu’avait le religieux Salomon pour les trois cents Sunamites.


1640. — À M. NORDBERG[3].

Souffrez, monsieur, qu’ayant entrepris la tâche de lire ce qu’on a déjà publié[4] de votre Histoire de Charles XII, on vous adresse quelques justes plaintes, et sur la manière dont vous traitez cette histoire, et sur celle dont vous en usez dans votre préface avec ceux qui l’ont traitée avant vous.

Nous aimons la vérité ; mais l’ancien proverbe : Toutes vérités ne sont pas bonnes à dire, regarde surtout les vérités inutiles. Daignez vous souvenir de ce passage de la préface[5] de l’histoire de M. de Voltaire. « L’histoire d’un prince, dit-il, n’est pas tout

  1. Un juif, habitant de Genève, informé par son commis qu’on lui avait saisi, à Lyon, les effets dont il était porteur, se rappela qu’il avait eu occasion de rendre un petit service à Voltaire : il parla de son affaire à celui-ci, et réclama sa protection. C’est ce qui provoqua cette lettre, au moyen de laquelle l’israélite obtint la restitution des objets saisis.
  2. Exode, ch. xxxiii, v. 11.
  3. Cette lettre a été imprimée séparément dès 1744. Elle fut, en 1745, admise dans le tome VI des Œuvres de Voltaire. Dans l’édition de 1752 des Œuvres de Voltaire, la lettre à Nordberg a été mise en tête de l’Histoire de Charles XII ; et jusqu’à ce jour cette disposition avait été conservée. J’ai cru que cette lettre devait être mise dans la Correspondance. — Nordberg (George), né en 1677, est mort le 14 mars 1744. Il avait été chapelain de Charles XII, et avait donné une Histoire de ce monarque, dont il existe une traduction française par Warmholtz. (B.)
  4. Il se pourrait que cette lettre à Nordberg fût antérieure à 1744 ; mais elle est postérieure à la publication de la nouvelle édition de Puffendorf, qui est de 1743 ; voyez la note de la lettre 1633.
  5. Voyez tome XVI, page 132.