Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/317

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Navarre n’est reconnue qu’au troisième acte, et que, avec mes Maures, mes Amours, mon bassin, mon groupe, tirés de ma tête, Mme  de Navarre est reconnue au second acte. Vous devinez tout le reste. J’ai reçu votre projet du troisième acte, et je vous remercie d’aider la faiblesse de mon imagination ; mais je vous supplie de ne pas imiter les comédiens italiens, quand vous craignez d’imiter Roi. Or ce serait les imiter bien pauvrement que de donner un feu d’artifice sans autre raison que l’envie de le donner ; mais que ce feu d’artifice serve à expliquer un secret, à dénouer une intrigue, alors il me semhle que c’est une invention très-agréable. J’ai imaginé qu’on avait prédit[1] à la princesse qu’elle aimerait un jour son ennemi, et l’accomplissement de cette prédiction se trouvera renfermé dans les lettres de feu qui paraîtront sur un ciel étoilé, comme un ordre des dieux écrit dans le ciel. Laissez-moi donc conserver mon divertissement du premier acte, il ne ressemble point tant, ce me semble. Ce sont les trois déesses elles-mêmes qui font une galanterie de leur pomme à la princesse. Les guerriers sont nécessaires parce qu’ils la jettent dans l’embarras. Enfin il me semble que c’est n’imiter personne que de faire arrêter les gens à chaque porte par des fêtes. C’est principalement dans cette invention que consiste toute la galanterie ; et, pour peu que la musique soit bonne, il me parait que ce premier acte doit beaucoup réussir.

À l’égard des autres, vous sentez bien qu’il y a deux tons qui dominent, celui de la tendresse et celui du comique ; je ne dis pas celui du bouffon. J’appelle comique le rôle de Sanchette, qui est tout neuf au théâtre, et qui doit partager au moins l’attention. J’entends par comique la scène de Léonor avec sa maîtresse, où elle dit :

Mais si j’étais fille d’un empereur[2],
Si j’étais reine de la France, etc.

Je ne sais ce que vous aviez contre moi quand vous m’avez mandé que cette Léonor parlait en suivante de comédie. Je soutiens que quand Mme  de Villars n’avait pas le malheur d’être dévote, elle ne s’exprimait pas autrement. Je vous demande bien pardon, mais cette scène de la princesse et de sa confidente est, avec ce que j’y ai ajouté, une des moins mauvaises de l’ouvrage ; prenez garde que le reste ne retombe dans tous les combats ordi-

  1. Cette prédiction est faite par une devineresse dans le premier acte, scène iv.
  2. Ces vers ont été supprimés.