Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/326

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La pièce avec ces deux vers devient honnêtement modeste.

Je vous prie de vouloir bien observer que ce petit ouvrage ne s’adresse point au roi, que ce n’est que par occasion qu’on ose y parler de lui, qu’il commence sur le ton familier, et qu’ainsi les vers héroïques gâteraient cet ouvrage s’ils donnaient l’exclusion aux autres. Le grand art, ce me semble, est de passer du familier à l’héroïque, et de descendre avec des nuances délicates. Malheur à tout ouvrage de ce genre qui sera toujours sérieux, toujours grand ! Il ennuiera ; ce ne sera qu’une déclamation. Il faut des peintures naïves ; il faut de la variété ; il faut du simple, de l’élevé, de l’agréable. Je ne dis pas que j’aie tout cela, mais je voudrais bien l’avoir, et celui qui y parviendra sera mon ami et mon maître. Dites-moi seulement pourquoi Mme  du Châtelet et M. de La Vrillière[1] savent par cœur ma petite drôlerie.

Adieu, mes adorables anges.


1676. — À M. LE PRÉSIDENT HÉNAULT,
à versailles.
À Champs, ce 14 septembre.

Le roi, pour chasser son ennui,
Vous lit et voit votre personne ;
La gloire a des charmes pour lui,
Puisqu’il voit celui qui la donne.

En qualité de bon citoyen et de votre serviteur, je dois être charmé que le roi vous lise, et je le serais plus encore s’il vous écoutait. Vous savez bien, très-honorable président, que vous avez tiré Mme  du Châtelet du plus grand embarras du monde, car cet embarras commençait à la Croix-des-Petits-Champs, et finissait à l’hôtel de Charost ; c’était des reculades de deux mille carrosses en trois files, des cris de deux ou trois cent mille hommes semés auprès des carrosses, des ivrognes, des combats à coups de poing, des fontaines de vin et de suif qui coulaient sur le monde, le guet à cheval qui augmentait l’imbroglio ; et, pour comble d’agréments, Son Altesse royale[2] revenant paisible-

  1. Le comte de Saint-Florentin-La Vrillière, alors ministre des affaires de la religion prétendue réformée, et chargé par Louis XV de toutes les affaires de l’intérieur du royaume pendant l’absence de ce prince, en 1744. Aucun ministre n’a signé autant de lettres de cachet que Saint-Florentin, créé duc de La Vrillière en 1770. (Cl.)
  2. Louis-Philippe duc de Chartres, né en 1725, duc d’Orléans en 1752, mort en 1785, aïeul du roi Louis-Philippe Ier.