Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/7

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cœur avait prévenu mes paroles. Ayez confiance en ce que je vous écris je ne peux vous tromper. Soyez en repos, je vous en conjure.

Si vous voyez M. Gresset, faites-lui les compliments sincères d’un homme qui sait aimer ses rivaux, et qui n’a jamais haï que les cœurs ingrats et jaloux. Le roi de Prusse sait comme je lui ai parlé de lui. J’ai entre les mains les témoignages d’estime dont ce monarque l’a honoré. Je ne doute pas qu’il ne soit très-agréablement à sa cour. Il y trouvera des reines et des princesses dont l’extrême politesse et la bonté l’empêcheront peut-être d’imaginer qu’il ne sera pas à Paris. Il verra une très-belle ville, où probablement les arts et les plaisirs régneront, et dont il fera l’agrément. Il verra un roi qui parle comme il écrit. Je n’aurais jamais quitté ce monarque si l’amitié, que je préfère à tous les rois du monde, ne m’avait rappelé à Bruxelles. Le livre de Mme la marquise du Châtelet doit réussir auprès de tout le monde. Son avant-propos peut être lu par les gens du monde qui n’ont que du goût, et le reste du livre peut instruire des savants. Je ne sais si je m’aveugle, mais de tout ce que j’ai lu sur la philosophie de Leibnitz, voilà sans contredit ce qu’il y a de meilleur.

Vous me ferez un plaisir extrême de me donner quelquefois de vos nouvelles. Vous verrez toujours que les anciens amis sont les meilleurs, et que mon cœur a dans tous les temps mérité quelque attachement du vôtre.

J’ai été un mois en route, et vingt fois près d’être noyé. J’ai une fluxion sur les yeux qui me fait craindre beaucoup.


1398. À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
À Bruxelles, 8 janvier (1741).

Mon cher abbé, j’arrive à Bruxelles. Je vous souhaite la bonne année. Je commence par vous prier de donner mille livres à M. le marquis du Châtelet.

Moyennant ces mille livres jointes à mille autres que j’ai prêtées à Mme de Champbonin, M. du Châtelet vous donnera un contrat de cent livres de rentes foncières, que vous ferez remplir, ou de votre nom, ou de celui de la nièce que vous aimerez le mieux, de sorte que ce sera une petite rente dont vous la gratifierez et qui lui sera assurée après ma mort.

  1. Édition Courtat.