Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/190

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ânesse pour Forges, qui mangez comme un moineau, et qui, avec cela, n’avez point de santé ! Dédommagez-vous donc ailleurs. On dit qu’il y a d’autres plaisirs.

Adieu ; mes compliments à tout le monde. J’espère, au mois de novembre, vous embrasser très-tendrement. J’écris[1] à votre sœur ; mais je veux que vous lui disiez que je l’aimerai toute ma vie, et même plus que mon nouveau maître.


2128. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Berlin, ce 23 septembre.

Mon cher et respectable ami, vous m’écrivez des lettres qui percent l’âme et qui l’éclairent. Vous dites tout ce qu’un sage peut dire sur des rois ; mais je maintiens mon roi une espèce de sage. Il n’est pas un d’Argental ; mais, après vous, il est ce que j’ai vu de plus aimable. Pourquoi donc, me dira-t-on, quittez-vous M. d’Argental pour lui ? Ah ! mon cher ami, ce n’est pas vous que je quitte, ce sont les petites cabales et les grandes haines, les calomnies, les injustices, tout ce qui persécute un homme de lettres dans sa patrie. Je la regrette sans doute, cette patrie, et je la reverrai bientôt. Vous me la ferez toujours aimer ; et d’ailleurs je me regarderai toujours comme le sujet et comme le serviteur du roi. Si j’étais bon Français à Paris, à plus forte raison le suis-je dans les pays étrangers. Comptez que j’ai bien prévenu vos conseils, et que jamais je n’ai mieux mérité votre amitié ; mais je suis un peu comme Chie-en-pot-la-Perruque. Vous ne savez peut-être pas son histoire : c’était un homme qui quitta Paris parce que les petits garçons couraient après lui ; il alla à Lyon par la diligence ; et, en descendant, il fut salué par une huée de polissons. Voilà à peu près mon cas, D’Arnaud fait ici des chansons pour les filles, et on imprime dans les feuilles : Chanson de l’illustre Voltaire pour l’auguste princesse Amélie. Un chambellan[2] de la princesse de Baireuth, bon catholique, ayant la fièvre et le transport au cerveau, croit demander un lavement ; on lui apporte le viatique et l’extréme-onction : il prend le prêtre pour un apothicaire, tourne le cul ; et de rire. Une façon de secrétaire que j’ai amené avec moi, espèce de rimailleur, fait des vers sur cette aventure, et on imprime : Vers de l’illustre Voltaire sur le cul d’un chambellan de Baireuth, et sur son extrême-onction.

  1. Cette lettre est perdue, (Cl.)
  2. Montperny ; voyez la lettre 2116.