Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/531

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

confirment tout ce que j’ai dit d’elle. Si elles m’avaient démenti, mon Siècle était perdu. Comment se peut-il faire qu’un nommé La Beaumelle, prédicateur à Copenhague, depuis académicien, bouffon, joueur, fripon, et d’ailleurs ayant malheureusement de l’esprit, ait été le possesseur de ce trésor ? Il vient aussi d’écrire la vie de Mme de Maintenon. On disait, il y a quelques années, qu’on avait volé à M. de Caylus ces lettres et ces mémoires sur sa tante. N’en sauriez-vous pas des nouvelles ?

Je vous ai mandé aussi qu’il paraissait des mémoires de milord Bolingbroke[1]. Ils sont traduits en français. On dit que, dans cette traduction, on me reproche de m’être trompé sur Mme de Bolingbroke, que j’ai mise, dans le Siècle, au rang des nièces[2] de Mme de Maintenon ; me serais-je trompé ? ne l’était-elle pas par son mari ? ai-je rêvé ce que je lui ai entendu dire vingt fois ? Je suis toujours prêt à croire que j’ai tort ; mais ici il me semble que j’ai raison ; rassurez-moi, je vous en prie. Mon cher ange, croyez-moi, je me mourais d’envie de venir vous embrasser cet hiver ; mais, en vérité, il n’y a pas moyen de se mettre en chemin au milieu des glaces, quand on est malade. Je ne suis pas deux heures de la journée sans souffrir. Je serais mort si je ne menais pas la vie la plus douce et la plus retirée, n’ayant que vingt marches à monter, tous les soirs, pour aller entendre à souper le Salomon du Nord, quand il veut bien m’admettre à son festin des sept sages. Cette vie de château est bien dans mon goût ; mais tout est empoisonné par les remords que j’ai de vous avoir quitté. Mille tendres respects à toute la hiérarchie. Répondez, je vous en prie, à mes questions comme à ma tendre amitié.

J’ai oublié de mander à ma nièce qu’elle m’écrive désormais à Berlin, où nous allons dans quelques jours. Je vous supplie de l’en avertir.


2463. — À M. ROQUES.

Pour répondre, monsieur, à vos bontés conciliantes, dont je suis très-reconnaissant, et à la lettre de M. de La Beaumelle, dont je suis très-surpris, j’aurai d’abord l’honneur de vous dire :

1° Qu’il est peu intéressant qu’il ait reçu trois ducats, comme

  1. C’étaient les Lettres sur l’histoire, suivies de Reflexions sur l’exil, etc. traduites par Barbeu du Bourg, 1752, 2 volumes in-8o. Les Mémoires secrets de Bolingbroke, traduits par Favier, ne parurent qu’en 1754. (Cl.)
  2. Voyez tome XIV, page 470, et XV, 134.