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3307. — À M.  LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[1].
À Monrion, près de Lausanne, 6 février 1757.

Il y a quelques jours, monsieur, que j’ai fait partir à votre adresse, par Pontarlier, un paquet de quelques livres qui sont au coche ou à la messagerie, et qui vous seront rendus à votre premier ordre, en cas que quelque méprise dans l’adresse n’ait pas permis qu’on les portât chez vous. Si vous jetez les yeux sur cette histoire, vous n’y trouverez rien de plus fou et de plus atroce que ce qui se passe aujourd’hui dans Paris. Voilà la suite du jansénisme et du molinisme et des querelles des prêtres. Il y a en France deux nations : celle des honnêtes gens, et celle des sauvages. C’est le pays des contrastes. J’ai bien fait de choisir le pays de l’uniformité. Si j’avais de la santé, je serais heureux et je vous écrirais de plus longues lettres. Comment va monsieur le premier président de La Marche ? Comptez que personne ne vous est plus attaché que le Suisse V.


3308. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
À Monrion, 6 février.

Moi, aller à Pétersbourg, mon cher ange ! Savez-vous bien que ma petite retraite des Délices est plus agréable que le palais d’été de l’autocratrice ? Si Dosmont joue la comédie, je la joue aussi ; et je fais le bonhomme Lusignan dans huit jours. Cela me convient fort,


Car à revoir Paris je ne dois plus prétendre ;
Vous voyez qu’au tombeau je suis prêt à descendre.

(Zaïre, acte II, scène iii.)

Nous avons un bel Orosmane, un fils du général Constant, qui a soupé avec vous à Argenteuil avec Mlle  du Bouchet[2]. Votre tragédie de Robert-François Damiens, et de tant de fous, n’est donc pas encore finie ! Je ne sais pas pourquoi les comédiens ne hasardent pas Mahomet dans ces circonstances.

  1. Éditeur, Th. Foisset.
  2. Mme  d’Argental, née du Bouchet. Son mariage, si je ne me trompe, n’était encore bien connu que des amis intimes de d’Argental, qualifié du titre de comte vers la fin de mai 1759 seulement. (Cl.)