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Il n’y a actuellement d’autres nouvelles en France que la marche des cent mille hommes. Le plan des opérations de cette armée n’est point encore connu. Je sais bien que les rois d’Angleterre et de Prusse leur opposeront de bonnes troupes ; mais je ne sais point en quel nombre.

Votre Altesse sérénissime a vu sans doute la dernière réplique du ministre saxon à la Haye ; on dit qu’il y a un tableau touchant des misères de la Saxe. C’est un triste rôle que d’être réduit à se plaindre. Votre Altesse sérénissime sait tout ce qui se passe sur ce funeste théâtre de la guerre. Je voudrais être à vos pieds et vous entendre, madame, parler de tous ces malheurs.

Le papier manque au profond respect du Suisse.


3342. — À M.  PICTET,
professeur en droit.
Monrion, 27 mars.

Vous voilà donc, mon très-cher voisin, dans votre charmante retraite. L’appellerons-nous Carite, Favorite, Mon-Plaisir, ou Plaisance ? Il faudra bien la baptiser, et ne pas souffrir qu’un saint[1] donne son nom à notre petit canton. Pour moi, je la nommerai Lolotte. Le nom de votre fille me plaît plus que tous les noms du calendrier.

Vous avez vu à Lyon un plus beau théâtre que le nôtre, mais certainement nous avons de meilleurs acteurs à Lausanne qu’à Lyon. Je ne m’attendais pas à la perfection avec laquelle plusieurs pièces ont été jouées dans notre pays romance. Quand je parle de perfection, je parle de l’art de faire verser des larmes à des yeux qui pleurent difficilement. Une tragédie nouvelle jouée[2] à Lausanne, et peut-être mieux jouée qu’elle ne le sera à Paris, est un phénomène assez singulier. Ce qui l’est encore davantage, c’est que nous avons eu douze ministres du saint Évangile, avec tous les petits proposants[3], à la première représentation. Il faut avouer que Lausanne donne d’assez bons exemples à Genève.

Je suppose que les frères Cramer vous ont fait tenir ce faible

  1. Voltaire substitua le nom de Délices à celui de Saint-Jean.
  2. Zulime, que Voltaire intitulait alors Fanime, après l’avoir refaite en grande partie.
  3. Noms que les calvinistes donnent aux jeunes gens qui étudient la théologie pour être pasteurs.