Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/210

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vrage gagne à la lecture, et je compte que le volume septième, auquel nous travaillons, effacera tous les précédents. Je renverrai aujourd’hui à Briasson sa Religion vengée, et je n’aurai pas le même reproche à me faire que vous, car je ne l’ouvrirai pas. Je vous recommande Garrasse-Berthier, qui, à ce qu’on m’a assuré, vous a encore harcelé dans son dernier journal. Voilà les ouvrages qui auraient besoin d’être réprimés par des déclarations. Je gage que le nouveau règlement contre les libelles n’empêchera pas la gazette[1] janséniste de paraître à son jour. À propos de jansénistes, savez-vous que l’évêque de Soissons[2] vient de faire un mandement où il prêche ouvertement la tolérance, et où vous lirez ces mots : « Que la religion ne doit influer en rien dans l’état civil, si ce n’est pour nous rendre meilleurs citoyens, meilleurs parents, etc. ; que nous devons regarder tous les hommes comme nos frères, païens ou chrétiens, hérétiques ou orthodoxes, sans jamais persécuter pour la religion qui que ce soit, sous quelque prétexte que ce soit ? » Je vous laisse à penser si ce mandement a réussi à Paris. Adieu, mon cher confrère ; je vous embrasse de tout mon cœur.


3345. — À M.  PÂRIS-DUVERNEY[3].
27 mars.

Je prends d’ordinaire, monsieur, le temps où les tulipes commencent à s’épanouir dans notre petit pays romance, pour vous remercier des ornements dont vous avez embelli l’un de mes ermitages. Ce ne sont pas seulement des tulipes que je vous dois ; j’ai depuis longtemps bien d’autres motifs de reconnaissance, et ils seront toujours chers à mon cœur ;

Je m’imagine que vous ne vous êtes pas tenu cette année à former des officiers dans votre École militaire, et que vous n’avez pu vous refuser à diriger les subsistances de l’armée qui va vers le Rhin. Vous êtes fait pour être toujours utile à la patrie, malgré votre goût pour la retraite. Notre ami M.  Darget ne se doutait pas, quand j’étais avec lui à Potsdam, que la France serait en guerre contre le roi de Prusse, et que vous seriez les meilleurs amis des Autrichiens. Rien ne doit vous étonner, et rien ne vous étonne sans doute, après les changements que vous avez vus en Europe depuis que vous avez été sur la scène. Vous voyez d’un œil philosophique toutes ces révolutions, et, en servant votre

  1. Les Nouvelles ecclésiastiques, connues sous le titre de Gazette ecclésiastique, et rédigées alors par des jansénistes, du nombre desquels était Fontaine de La Roche. (Cl.)
  2. Fitz-James, dont Voltaire a souvent parlé ; voyez tome XXV, page 104.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.