Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/376

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peu durs dans l’ouvrage[1] que vous avez eu la bonté de m’envoyer. Quand vous vous amusez à en faire, les vôtres ont plus de douceur, de facilité et de grâce. Mais je sens aussi l’horrible difficulté de faire une pièce telle que celle-ci ; et cette difficulté me rend bien indulgent. D’ailleurs on ne doit sentir que les beautés d’un auteur qui commence ; le public même a besoin de l’encourager. Probablement l’auteur est sans fortune ; c’est encore une raison de plus pour disposer en sa faveur. On peut même dire de lui :


… Spirat tragiciim satis, et féliciter audet.

(Hor., lib. II, ep. i, v. 166.)

Il m’a toujours paru qu’au théâtre le public était moins flatté de l’élégance continue d’une belle poésie qu’il n’était frappé de la beauté des situations. Enfin je me fais un plaisir de chercher toutes les raisons qui peuvent justifier le succès d’un jeune homme qui a besoin d’encouragement. Nous allons jouer des pièces de théâtre dans ma retraite de Lausanne, où je passe mes hivers, et nous sentons tout le prix de l’indulgence.

Je me vanterai à Mme la marquise de Gentil[2], qui est une de nos actrices, que vous voulez bien me conserver un peu de souvenir. Pour moi, je ne vous oublierai jamais.

Je vous prie de vouloir bien présenter mes obéissances à monsieur votre père et à monsieur votre frère, et d’être persuadé de mes sentiments, qui vous attachent pour jamais le Suisse V.

Mme Denis vous fait ses compliments.


3526. — À M. TRONCHIN, DE LYON[3].
Lausanne, 13 janvier.

Voici la réponse à Son Éminence. Ce n’est pas sans peine que les lettres arrivent. Madame la margrave m’apprend[4] qu’une lettre de son frère à moi et une de moi à lui ont été prises par les housards du prince Hildbourghausen, qui saisissent tout ce qu’ils trouvent. Heureusement, je n’écris rien que la cour de Vienne et celle de Versailles ne puissent lire avec édification.

    auto-, Paris, Gay, 1865, l’a reproduite d’après l’original, que lui avait communiqué M. le comte Le Coulteux de Cauteleu ; il nous a fourni quelques corrections et additions.

  1. Sans doute Iphigénie en Tauride.
  2. Née Constant ; voyez lettre 3185.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.
  4. Dans une lettre du 27 décembre 1757.