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vilèges ? Et ces privilèges sont de ne rien payer du tout, d’être parfaitement libre. Y a-t-il un état plus heureux ? Je me trouve entre la France et la Suisse, sans dépendre ni de l’une ni de l’autre. La grâce du roi est pour Mme  Denis et pour moi. Tout cela serait bon si on digérait. Vous digérez, mon cher ami ; mon estomac est déplorable ; spiritus quidem promptus est, caro autem infirma[1]. Mon cœur est toujours à vous. V.


3882. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Reich-Hennersdorf, 2 juillet[2].

      Votre muse se rit de moi,
      Quand pour la paix elle m’implore.
      Je la désire, Je l’honore.
      Mais je n’impose point la loi
      Au Bien-Aimé, votre grand roi ;
      À la Hongroise, qu’il adore ;
      À la Russienne, que j’abhorre ;
      À ce tripot d’ambitieux
      De qui les secrets merveilleux
      Que Tronchin sait, et que j’ignore,
Ne sauraient réparer les cerveaux vicieux
      Qu’en leur donnant de l’ellébore.
      Vous à la paix tant animé[3].
      Vous qu’on dit avoir l’honneur d’être
Le vice-chambellan du second Bien-Aimé,
À la paix, s’il se peut, disposez votre maître.


C’est à lui qu’il faut s’adresser, ou à son d’Amboise en fontange[4]. Mais ces gens ont la tête pleine de projets ambitieux ; ils sont un peu difficiles ; ils veulent être les arbitres des souverains, et c’est ce que des gens qui pensent comme moi ne veulent nullement souffrir. J’aime la paix tout autant que vous la désirez ; mais je la veux bonne, solide, et honorable. Socrate ou Platon auraient pensé comme moi sur ce sujet, s’ils s’étaient trouvés placés dans le maudit point que j’occupe en ce monde.

Croyez-vous qu’il y ait du plaisir à mener cette chienne de vie, à voir et faire égorger des inconnus, à perdre journellement ses connaissances et

  1. Saint Matthieu, xxvi, 41.
  2. Réponse à la lettre 3867
  3. Dans l’édition des Œuvres posthumes de Frédéric, Berlin, 1788, on lit :
    Mais vous, pour la paix tant enclin,
    Vous qu’on dit avoir l’honneur d’être
    Le vice-chambellan de Louis du moulin.
    Voyez, tome XV, page 242, pourquoi ce dernier nom était donné à Louis XV par Frédéric.
  4. Mme  de Pompadour.