Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/196

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I hope you were as happy as I am, were you not a tender brother[1].

Conservez vos bontés, milord, à un philosophe campagnard, qui sera toujours pénétré pour vous du plus tendre respect.


3939. — À M.  LE DOCTEUR TRONCHIN[2].
À Ferney, à 10 heures du soir.

Puis-je, mon très-cher Esculape, interrompre un moment vos occupations pour vous dire que maman Denis a senti tout d’un coup passer son vieux mal de reins à la région de l’estomac ? Ce mal de reins était fixe ; il fait l’effet d’une crampe dans l’estomac, et il a volé à cette place en un clin d’œil, comme la goutte qui passe d’un orteil à l’autre. Nous l’avons couchée ; nous lui avons mis des serviettes chaudes. Son pouls est d’une personne qui souffre, mais sans aucune apparence de fièvre. Je crois que cette aventure n’est nullement dangereuse ; mais quid illi facere ? Rien sans vos ordres.

Nous avons vu Mme  Constant, qui vous doit la vie. Plût à Dieu que Jean-Jacques vous eût dû la raison ! Je vous embrasse tendrement.


3940. — À M.  JEAN SCHOUVALOW.
À Tournay, 6 octobre.

Monsieur, je vous avais déjà fait compliment sur l’heureux succès de vos armes, lorsque j’ai reçu la lettre dont Votre Excel-

  1. Traduction : Milord, lorsque je me jetai l’année dernière dans les prophéties, comme Isaïe et Jérémie, j’étais loin de penser que je pleurerais cette année sur votre digne frère. J’appris sa mort et celle de la sœur du roi en même temps.

    La nature et la guerre concourent aux malheurs de votre roi. C’est une grande perte que celle du maréchal Keith. Toute votre philosophie ne saurait dissiper un tel chagrin. La philosophie adoucit la blessure, mais laisse toujours le cœur blessé.

    La présente guerre est la plus effroyable qui fut jamais. Votre Seigneurie voyait autrefois une bataille par an, tout au plus, tandis qu’aujourd’hui, chaque mois, la terre est couverte de sang et de cadavres déchirés.

    Qu’ils soient confondus, les fous heureux qui disent que tout ce qui est est bien ! Cela n’est pas, en vérité, pour vingt provinces épuisées, ni pour ces trois cent mille hommes égorgés.

    Je souhaite à Votre Seigneurie la paix de l’esprit, nécessaire au milieu de cet horrible ouragan qui ne finit pas. Moi, je jouis d’une vie calme et délicieuse, dont Frédéric ne goûtera jamais ; mais plus je suis heureux, plus je plains les rois.

    J’espérerais vous voir aussi heureux que je le suis, si vous n’étiez pas un tendre frère.

  2. Éditeurs, de Cayrol et François.