Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/197

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lence m’a honoré, avec la relation de la bataille, que M. de Soltikof a bien voulu me communiquer. Vos bontés augmentent tous les jours l’intérêt que je prends à la gloire de l’impératrice et à l’empire de Russie. Le terme d’honneur doit être bien certainement à la mode chez vous, quoi qu’en dise un certain homme[1], qui a mis son honneur à faire bien du mal, et à en dire beaucoup de votre auguste impératrice. Ce n’est pas d’aujourd’hui que j’ai pris part à la gloire de votre nation ; tous les événements ont justifié ma manière de penser. Je vois, avec la plus sensible joie, que la digne fille de Pierre le Grand perfectionne tout ce que son père a commencé. Le bruit a couru dans nos Alpes que sa santé avait été dérangée ; j’en ai ressenti de bien vives alarmes. Nous faisons mille vœux, dans mes retraites, pour la durée et la prospérité de son règne.

Le premier tome[2] de l’Histoire de Pierre le Grand serait déjà parvenu à Votre Excellence si les personnes que j’emploie étaient aussi diligentes que je l’ai été. La vie est bien courte, et tout ouvrage est bien long. Je consacrerai ce qui me reste de vie à travailler au second volume, aussitôt que j’aurai les matériaux nécessaires. Il n’y a point d’occupation qui me soit plus précieuse, et, si je suis assez heureux pour seconder vos nobles intentions, je n’aurai jamais si bien employé mon temps. Mais je regretterai toujours de n’avoir pu voir la ville que Pierre le Grand a fondée, et vous, monsieur, qui faites fleurir les arts et les vertus dans le plus grand empire de la terre.

Je serai toute ma vie, avec l’attachement le plus respectueux et le plus sincère, etc.


3941. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
6 octobre.

Quand on a mal aux yeux, madame, on n’écrit pas toujours de sa main ; si je deviens aveugle, je serai bien fâché. Ce n’était pas la peine de me placer dans le plus bel aspect de l’univers. Eh bien ! madame, êtes-vous comprise dans tous les impôts ? Vos fiefs d’Alsace sont-ils sujets à cette grêle ? N’ai-je pas bien fait de choisir des terres libres, exemptes de ces tristes influences ? Avez-vous auprès de vous monsieur votre fils ? N’a-t-on pas au moins confirmé sa pension, qu’il a si bien méritée par sa valeur

  1. Le roi de Prusse.
  2. Imprimé dès 1759, ce volume ne fut public que l’année suivante.