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aurait été fait par un prêtre, et cela eût été plaisant ; j’aime pourtant mieux ne pas entendre votre éloge sitôt, dût-il être fait par le frère Berthier, ou par M.  de Pompignan.

Il faudrait imprimer, à la suite du Discours de notre nouveau confrère, une épître[1] que je viens de recevoir du roi de Prusse contre les fanatiques ; les dévots, les jésuites, et notre saint-père le pape, y sont bien traités.

Adieu, mon cher et grand philosophe ; vivez longtemps, et portez-vous bien, tout mort que vous êtes.

P. S. Il ne manquait plus à la philosophie que le coup de pied de l’âne. On va jouer sur le théâtre de la Comédie française une pièce intitulée les Philosophes modernes[2]. Préville doit y marcher à quatre pattes, pour représenter Rousseau. Cette pièce est fort protégée. Versailles la trouve admirable.


4094. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
15 Avril.


Puisque vous êtes si grand maître
Dans l’art des vers et des combats,
Et que vous aimez tant à l’être,
Rimez donc, bravez le trépas ;
Instruisez, ravagez la terre ;
J’aime les vers, je hais la guerre.
Mais je ne m’opposerai pas
À votre fureur militaire.
Chaque esprit a son caractère ;
Je conçois qu’on a du plaisir
À savoir, comme vous, saisir
L’art de tuer et l’art de plaire.


Cependant ressouvenez-vous de celui[3] qui a dit autrefois :


Et quoique admirateur d’Alexandre et d’Alcide,
J’eusse aimé mieux choisir les vertus d’Aristide.


Cet Aristide était un bon homme ; il n’eût point proposé de faire payer à l’archevêque[4] de Mayence les dépens et dommages de quelque pauvre ville grecque ruinée. Il est clair que Votre

  1. Épitre à d’Alembert ; voyez une des notes sur la lettre 4112.
  2. Comédie de Palissot, jouée le 2 mai suivant.
  3. Dans son Épître à mon esprit (v. 289-290), le roi de Prusse avait dit :

    Mais quoique admirateur de César et d’Alcide,
    J’aurais suivi par goût les vertus d’Aristide.

  4. Jean-Frédéric-Charles, mort en 1763 ; voyez tome XIII, page 209.