Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/436

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Vous ne pouvez à présent manquer à vos engagements sans vous déshonorer, et vous ne gagneriez rien à votre honte. Les Russes et les Autrichiens doivent écraser Luc cette année, à moins d’un miracle[1] ; alors l’électeur de Hanovre, toute la maison de Brunswick tremble pour elle-même. Alors George, ou son petit-fils, est obligé de vous laisser votre morue, pour être protégé dans son électorat. Ayez seulement de bonnes troupes, de bons généraux, et vous n’avez rien à craindre. Je soutiens que si Luc est perdu, vous devenez l’arbitre de l’empire, et que tous ses princes sont à vos pieds. Je n’ai point de réponse, je n’ai point d’emplâtre pour l’énorme sottise qu’on a faite de se brouiller avec l’Angleterre avant d’avoir cent vaisseaux ; mais il ne tient qu’à vous d’être formidables sur terre. L’avantage que M. le duc de Broglie vient de remporter[2] présage les plus grands succès. Tout peut finir dans une campagne ; les Anglais ne vous respecteront que quand vous serez dans Hanovre. Tâchez, mon divin ange, d’être de ce sentiment. Je vous en prie, dites à M. le duc de Choiseul qu’il ne doit faire la paix qu’après une campagne triomphante.

Je vous en prie, mille tendres respects à Mme d’Argental ; remarquez qu’elle se porte toujours mieux en été.


4156. — À M. LE MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI.
Aux Délices, 19 juin.

En tout pays on se pique
De molester les talents ;
Goldoni[3] voit maint critique
Combattre ses partisans.

On ne savait à quel titre
On doit juger ses écrits ;
Dans ce procès on a pris
La nature pour arbitre.

Aux critiques, aux rivaux,
La nature a dit sans feinte :
Tout auteur a ses défauts,
ais ce Goldoni m’a peinte.

  1. « Ce qui ne paraissait pas vraisemblable est arrivé, » écrivait Voltaire à Colini le 12 décembre 1760.
  2. Le 10 juillet, à Corbach.
  3. Ch. Goldoni, nommé par ses compatriotes le Molière italien.