Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/471

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J’ai à peine le temps de vous dire, mon divin ange, que vous me faites enrager sur l’Écossaise. Où est donc la difficulté de diviser en deux pièces le fond du théâtre, de pratiquer une porte dans une cloison qui avance de quatre ou cinq pieds ? L’avant-scène est alors supposée tantôt le café, tantôt la chambre de Lindane ; c’est ainsi qu’on en use dans tous les théâtres de l’Europe qui sont bien entendus. Le fond du théâtre représente plusieurs appartements ; les acteurs sortent des uns et des autres, selon que le besoin l’exige ; il n’y a à cela nulle difficulté.

Pourquoi avez-vous la cruauté de vouloir que Lindane ennuie le public de la manière dont elle a fait connaissance avec Murray ? Ce Murray venait au café, ce coquin de Frelon, qui y vient aussi, y a bien vu Lindane ; pourquoi milord Murray ne l’aurait-il pas vue ? Ce sont ces petites misères, qu’on appelle en France bienséances, qui font languir la plupart de nos comédies. Voilà pourquoi on ne les peut jouer ni en Italie ni en Angleterre, où l’on veut beaucoup d’action, beaucoup d’intérêt, beaucoup d’allées et de venues, et point de préliminaires inutiles.

Mon cher ange, il est très-plaisant de jouer l’Écossaise ; mais il faut absolument imprimer, deux ou trois jours auparavant, la Requête de ce pauvre Carré, traducteur de Hume. Je me mets à l’ombre de vos ailes.


4188. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Aux Délices, 14 juillet.

Madame, je suis comblé des grâces de Votre Altesse sérénissime. Mme la comtesse de Bassevitz me paraît charmante. On n’écrit point à Versailles comme elle écrit dans son château vandale. Comment n’est-elle pas à Gotha ? Comment, avec tant de mérite, peut-elle être si éloignée de votre personne ? Tout est à rebours dans ce meilleur des mondes possibles. Patience ! il faudra bien que les choses aillent mieux, au lieu d’aller mal, et à force d’aller mal. Si la cousine avait voulu finir ses affaires cet hiver par un bon mariage[2], elle ne serait pas à présent réduite à faire un si mauvais ménage ; mais les mariages sont écrits dans le ciel.

Vos hernutes[3], madame, vos moraves sont de bonnes gens, et ne

  1. Editeurs, Bavoux et François.
  2. Il s’agit toujours de la paix avec la France.
  3. Cette secte s’est formée, vers 1457, des débris des anciens hussites. Les hernutes prétendent arriver à la perfection par la lumière intérieure et la commu-