Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/485

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que M. Diderot fasse ses visites quand il en sera temps ; je pense qu’alors il faut qu’il déclare dans le public qu’il ne prétend point à la place, mais qu’il veut seulement préparer la bonne volonté des académiciens pour la première occasion. Il aura sûrement dix ou douze voix ; et ce sera un triomphe d’autant plus grand qu’il passera pour ne les avoir pas demandées ; mais il pourra fort bien les avoir toutes si, en allant voir les dévots, il les persuade de sa religion ; ils croiront l’avoir converti, et ce sera lui qui triomphera d’eux. Il est très-vraisemblable qu’il sera protégé par Mme de Pompadour. En un mot, ou il entrera, ou il se préparera l’entrée ; et, dans l’un ou dans l’autre cas, il aura le public pour lui. Je souhaite, ma belle philosophe, que vous soyez de mon avis.

Je ne vous parle point de la ridicule idée qui a passé par la tête d’un seul homme, que le chef de l’Encyclopédie était désigné dans le Pauvre Diable[1] ; cette sottise ne mérite pas qu’on y pense.

Je regarde comme un coup de partie la tentative de l’Académie. Est-il possible que tous les gens qui pensent ne se tiennent pas par la main, et qu’ils soient la victime des fripons et des sots ?

Est-il vrai, madame, qu’on a pendu vingt-deux jésuites[2] à Lisbonne ?


4200. — À M. D’ALEMBERT.
24 juillet.

Je vous demande pardon, mon très-cher philosophe ; tout grand homme que vous êtes, c’est vous qui vous trompez, c’est vous qui êtes éloigné, et c’est moi qui suis réellement sur les lieux. Il y a plus d’un an que la personne[3] dont vous me parlez daigne m’écrire assez souvent avec beaucoup de bonté et un peu de confiance ; je crois même avoir mérité l’une et l’autre par mon attachement, par ma conduite, et par quelques petits services que le hasard, qui fait tout, m’a mis à portée de rendre. Je suis sûr, autant qu’on peut l’être, que cette personne pense très-noblement ; la manière dont elle en a usé[4] envers Marmon-

  1. C’était Siméon Valette, nommé au commencement de la lettre 3913.
  2. La nouvelle était fausse. — Le jésuite Malagrida paya pour les autres, le 20 septembre 1761. (Cl.)
  3. Le duc de Choiseul. — Cette correspondance assez :  : active entre le ministre et le philosophe dut commencer vers le mois d’avril ou de mai 1759 ; mais, depuis cette époque jusqu’au mois de juin 1761, inclusivement, on n’a pu recueillir aucune de leurs lettres. (Cl.)
  4. Le duc de Choiseul, convaincu que la parodie (voyez tome XXXVII, page 33)