Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/215

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mais qui laissera languir son ancien ami dans l’attente d’une de ses lettres.

Hélas ! j’écris, mais avec bien de la peine ; ma main pèse deux cents livres, ma tête aussi. Je ne sais ce que j’ai ; vraiment, je suis bien loin de faire une tragédie. La vie est trop courte. Puisse la vôtre être bien longue, ô mes divins anges !


4462. — À M.  DE LA POPELINIÈRE[1].
Au château de Ferney, pays de Gex, 15 février 1761.

J’aime autant les romans orientaux, monsieur, que je déteste les romans suisses[2] : recevez mes remerciements, et croyez que mon estime pour vous est égale au plaisir que vous m’avez fait. J’ai dévoré votre Daïra[3] ; je vais la faire lire à Mlle  Corneille. Je ne peux mieux commencer son éducation. On dit que vous avez eu le malheur d’être loué par Fréron[4]. Cela est triste ; mais le suffrage des honnêtes gens doit vous consoler. S’il est vrai, monsieur, que vous ayez fait imprimer vos comédies, je vous prie de ne me point oublier dans la distribution de vos grâces. Vous devez avoir reçu autant de compliments que vous avez donné de Daïra. Continuez, monsieur, à cultiver cette aimable partie de la littérature, et goûtez longtemps les plaisirs de l’esprit, après avoir goûté tous les autres. Vous serez connu par de beaux ouvrages et de belles actions.

J’ai l’honneur d’être, avec une estime et un attachement bien véritables, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaires.

4463. — À M.  LE BRUN.
Au château de Ferney, 15 février.

Il y a longtemps, monsieur, que je ne suis surpris de rien ; mais je suis affligé qu’on traite si légèrement l’honneur d’une famille respectable. Si un gentilhomme en ac, arrivé de Gascogne, voyait sa fille insultée dans les feuilles de Fréron ; si l’on disait

  1. Voyez la note, tome XXXIV, page 43.
  2. La Nouvelle Héloise de J.-J. Rousseau.
  3. Daïra, histoire orientale en quatre parties, 1761, deux volumes in-12 : on tira vingt exemplaires in-8° et deux in-4°. Voltaire, malgré ce qu’il en écrit à l’auteur, n’en faisait aucun cas ; voyez la fin de la lettre 4479.
  4. Année littéraire, 1761, tome I, page 1-40.