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de lui faire agréer mes profonds respects et ma sincère reconnaissance. Ce sera une raison de plus pour m’engager au voyage de Dijon, s’il peut y avoir quelque nouveau motif après celui de vous embrasser, vous et vos amis. J’espère que nous raisonnerons de tout cela au mois d’auguste, dans ma chaumière de Ferney.

J’ai l’honneur d’être, avec l’attachement le plus inviolable, monsieur, etc.


Voltaire.

4503. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 29 mars.

Il faut que j’aie commis quelque grande iniquité dont je ne me suis pas accusé en faisant mes pâques, car mes anges ont détourné de moi leur face[1] et leur plume. Je leur dirai comme le prophète : Je vous ai joué de la flûte, et vous n’avez point dansé[2] ; je leur ai envoyé vers et prose, point de nouvelles, nul signe de vie. J’essuie d’ailleurs plus d’une tribulation. Prault a imprimé Tancrède. Non-seulement il ne l’a point imprimé tel que je l’ai fait, mais ni Prault, ni Lekain, ni Mlle  Clairon, qui en ont eu le profit, n’ont daigné m’en faire tenir un exemplaire. En récompense, on a imprimé Tancrède entièrement altéré, et d’une manière qui, dit-on, me couvre de honte. Prault donne au public, sous mon nom, l’Apologie[3] de Corneille et de Racine, malgré tout ce que j’ai exigé de lui. Il faut donc m’armer de patience, et me résigner. Mes chers anges, ne m’abandonnez pas dans mes détresses. J’ai surtout une grâce à vous demander : c’est de me garder un profond secret sur le Droit du Seigneur, et de ne pas empêcher qu’une personne de mérite[4], qui est dans la pauvreté, retire quelque émolument de ce petit ouvrage, que j’ai retouché avec le plus grand soin. C’est une chose que j’ai infiniment à cœur ; et vous êtes trop bons pour ne pas vous prêter à mes faiblesses.

Vous ne m’avez point écrit depuis le roman de Jean-Jacques. Seriez-vous de ceux qui ont pris le parti de ce petit Diogène manqué ? Savez-vous qu’il y a dix-huit mois que ce fou sérieux

    mais M. de Ruffey lui avait écrit le 21 mars pour lui offrir ce titre au nom de la compagnie.

  1. Psaume xxix, verset 8.
  2. Matth., xi, 17 ; Luc, vii, 32.
  3. L’Appel à toutes les nations de l’Europe ; voyez tome XXIV, paire 191.
  4. Mlle  Belot ; voyez la lettre 4501.