Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/271

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particuliers ne concourent à donner, chacun sur leur terrain, l’écoulement nécessaire aux eaux. Ceux qui refuseraient ce service y seront sans doute forcés.

M.  Vaillet vous a parlé, monsieur, d’un règlement pour les taupes, que vous avez paru approuver ; je le crois très-utile, et je pense que ce sera une nouvelle obligation que vous aura cette petite province.

J’ai l’honneur d’être, avec tous les sentiments que vous me connaissez, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


4518. — DE M.  D’ALEMBERT.
À Paris, ce 9 avril.

Je vous remercie, mon cher maître, de m’avoir envoyé votre charmante Épître sur l’Agricullure, qui ne parle guère d’agriculture, et qui n’en vaut que mieux. C’est, à mon avis, un des plus agréables ouvrages que vous ayez faits. Des gens de votre connaissance, qui en ont pensé comme moi, et qui ne sont pas descendus d’Ismaël, car


Ils servent et Baal et le Dieu d’Israël[1],


l’ont trouvée si bonne qu’ils ont voulu la lire à la reine ; mais il y avait deux vers malsonnants et offensant les oreilles pieuses, qu’il a fallu corriger pour mettre votre épître en habit décent, et pour la rendre propre à être portée au pied du trône ; et croiriez-vous que c’est moi qui ai fait cette correction ? J’ai donc mis le bon mari d’Ève au lieu du sot mari, qui était pourtant la vraie épithète ; et, au lieu de manger la moitié de sa pomme, qui est plaisant, j’ai mis goûter de la fatale pomme, qui est bien plat ; mais cela est encore trop bon pour Versailles.

Riez, si vous voulez, de cette petite anecdote ; mais, s’il vous plaît, riez-en tout seul, et n’allez pas en écrire à Paris, comme vous avez fait de ce que je vous ai mandé au sujet[2] des parrains de l’archidiacre. L’abbé d’Olivet me dit l’autre jour à l’Académie, d’un ton cicéronien : « Vous êtes un fripon, vous avez écrit à Genève que j’avais molli dans l’affaire de Trublet. » Je niai le fait, à la vérité assez faiblement. Il me répondit qu’il en avait la preuve dans sa poche, et je ne lui demandai point à la voir ; je craignais d’être trop confondu. Peu m’importe d’avoir des tracasseries avec d’Olivet, et même avec d’autres ; mais il vaut encore mieux n’en pas avoir. C’est pourquoi, si vous voulez savoir les nouvelles de l’école, promettez-moi que vous ne me vendrez plus, et commencez par ne pas parler de ceci, même à d’Olivet.

  1. Il y a dans Athalie, acte III, scène iii :
    Je ne sers ni Baal ni le Dieu d’Israël.
  2. Voyez la lettre 4492.