Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vraient être plutôt à une mangeoire qu’à un autel. Ils n’ont rien fait depuis le 8 de juin, mais ils menacent toujours de faire, et ils me paraissent aussi insolents que menteurs.

Vous aurez sans doute vu, monsieur, par l’affaire d’Ancian, que parmi ces animaux-là il y en a qui ruent. Si ce curé Ancian est brutal comme un cheval, il est malin comme un mulet, et rusé comme un renard ; mais, malgré ses ruses, je crois que vous le prendrez au gîte. Je puis vous assurer que lui et ses confrères ont employé toutes les friponneries profanes et sacrées pour avoir de faux témoins ; ils se sont servis de la confession, qui met les sots dans la dépendance des prêtres. Je n’ai point vu les procédures, mais je puis vous assurer, sur mon honneur et sur ma vie, que ce curé Ancian est un scélérat des plus punissables que nous ayons dans l’Église de Dieu. Il ne peut empêcher, malgré tous ses artifices et tous ceux de ses confrères, que Decroze n’ait eu le crâne fendu dans la maison où ce curé alla faire le train au milieu de la nuit la plus noire, avec quatre coupe-jarrets. Je ne veux que ce fait : tout le reste me paraît peu de chose. Le père Decroze peut envoyer aux juges trois serviettes qu’il conserve teintes du sang de son fils ; elles devraient servir à étrangler le curé de Moëns, pourvu que préalablement il fût bien confessé#1.

Je suppose, monsieur, que vous avez envoyé votre mémoire à M. de Greilly : c’est encore un curé à relancer. Je vous ai envoyé à la chasse aux prêtres : si vous voulez venir reconnaître votre gibier au mois de septembre, comme vous me l’avez fait espérer, je compte bien que le rendez-vous de chasse sera chez moi.

Je viens d’écrire au bureau des postes de Genève, pour savoir si ce n’est point quelque prêtre-commis des postes qui a fait la friponnerie de faire payer deux fois le port.

Nota bene que je ne mets point mon curé au nombre des bêtes puantes que vous devez chasser ; je suis d’accord avec lui en tout. Il est très-reconnaissant, du moins quant à présent ; et il peut servir de piqueur dans la chasse aux renards que nous méditons.

J’ai l’honneur d’être, en bon laïque, monsieur, votre, etc.[1]

  1. Il a été condamné aux galères, par arrêt du parlement de Bourgogne, pour cet assassinat prémédité. (K.) — Malgré des recherches persévérantes, aucun document n’est venu jusqu’ici confirmer cette assertion des éditeurs de Kehl. Voyez Desnoiresterres, Voltaire et J.-J. Rousseau, page 56.