Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/133

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Elle désirait passionnément une maison de campagne ; Mme la duchesse de Grafton en a une pour cent louis, jusqu’à l’hiver ; et Mme d’Enville paye deux cents louis un simple appartement pour trois mois. Pour comble de désagrément, elle est logée tout auprès d’un temple où elle entend détonner des chansons hébraïques, mises en vers français détestables[1]. De plus, toute la bonne compagnie est à la campagne, et il ne reste à la ville que des pédants.

Je voudrais pouvoir lui céder les Délices ; mais j’ai trop besoin de Tronchin, et malheureusement on vernit actuellement tous les dedans de Ferney. Tout ce que je peux faire est de lui donner une représentation de Cassandre. Je n’y jouerai pas mon rôle de grand prêtre ; je suis obligé de renoncer au théâtre, comme Grandval[2] ; mais la pièce ne sera pas mal représentée, et je vous assure que c’est l’appareil le plus imposant qui soit au théâtre.

Pour le Droit du Seigneur, vous êtes maître absolu de le faire jouer par qui il vous plaira, et quand vous voudrez ; c’est un service que vous rendrez à Thieriot. Il prétend qu’il vient me voir après les fêtes de la Pentecôte ; mais c’est de quoi je doute très-fort.

Il est juste de vous envoyer un exemplaire de la seconde édition de Meslier ; on avait oublié, dans la première, son Avant-propos[3], qui est très-curieux. Vous avez des amis sages qui ne seront pas fâchés d’avoir ce livre dans leur arrière-cabinet ; il est tout propre d’ailleurs à former la jeunesse. L’in-folio, qu’on vendait en manuscrit huit louis d’or, est inlisible ; ce petit extrait est très-édifiant. Remercions les bonnes âmes qui le donnent pour rien, et prions Dieu qu’il répande ses bénédictions sur cette lecture utile.

Je crois que monsieur l’abbé le coadjuteur[4] sera bien étonné d’avoir été comparé à la fois à Ésope et à Goliath. J’espère, Dieu aidant, que le libelle du jésuite rendra les parlements irréconciliables, et qu’avec le temps on tombera sur tous les autres moines. Je n’en serai pas témoin, mais je mourrai dans cette douce espérance.

Je ne compte pas non plus voir la fin de la guerre. On disait

  1. Les psaumes mis en vers par Marot et de Bèze, chantés dans les temples des protestants.
  2. Voyez une des notes de la lettre 4884.
  3. Voyez tome XXIV, page 296.
  4. L’abbé de Chauvelin.