Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/134

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hier Dresde pris par le prince Heuri, immédiatement après la déconfiture de l’armée des Cercles ; cette nouvelle, qui n’est pas encore vraie, pourra l’être dans quelque temps : vous verrez, avant la fin de la campagne, seize mille Russes rendre visite à M. le maréchal d’Estrées. La flotte anglaise est actuellement dans Lisbonne ; il n’y a qu’un nouveau tremblement de terre qui puisse faire dénicher cette flotte. Tant de malheurs publics influent sur la fortune des particuliers, excepté de ceux qui pillent les autres : je m’en ressens autant que personne. Mlle Corneille en sentira aussi le contre-coup ; la guerre fait tort aux souscriptions. La chambre syndicale des libraires de Paris nous fait plus de tort encore ; elle arrête, depuis quatre mois, le ballot des annonces de Cramer, où se trouvent les noms des souscripteurs. M. de Malesherbes souffre cette injustice, laquelle est une insulte au public. Il me semble que les affaires particulières vont à peu près comme les générales.

Le parlement de Dijon continue dans son obstination.

J’admire toujours qu’on ne veuille point rendre la justice au peuple, pour faire de la peine au roi. Les classes du parlement feront un peu de mal ; et j’ai bien peur que les classes des matelots ne rendent pas de grands services, Je conclus que tout ceci est un naufrage universel, et je dis toujours : Sauve qui peut !

Mille tendres respects.


4915. — À M. LEKAIN.
Aux Délices, 2 juin.

Mon cher et grand acteur, je vous fais mon compliment sur le succès de Zelmire ; je vous prie de dire à l’auteur combien j’avais été content de son Titus, et à quel point je suis charmé que le public ait rendu plus de justice à sa seconde pièce. J’espère que Zelmire durera assez longtemps pour que vous ne soyez pas obligé de donner Cassandre. Nous nous en amuserons encore quelquefois sur mon théâtre de Ferney avant de le livrer au public.

Je crois qu’on ne doit imprimer Zelmire que quand on l’aura reprise, et qu’il ne faut pas la reprendre sitôt. Il n’en est pas de même du Droit du Seigneur ; je crois que, s’il est bien joué, il pourra procurer quelque avantage à vos camarades ; je m’intéresserai toujours à eux, et particulièrement à vous, pour qui j’aurai toujours autant d’amitié que d’estime. V.