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volume, contre la religion chrétienne, qui ont fait rechercher l’ouvrage et bannir l’auteur. On débite sourdement plusieurs ouvrages[1] dans le goût de ces cinquante pages. On les attribue tantôt à La Mettrie, tantôt au philosophe de Sans-Souci. Mais il est certain qu’il y en a un d’un curé de Champagne auprès de Rocroi, qui est plus approfondi que le troisième tome d’Émile. C’est un testament que fit ce curé nommé Meslier, et dont il envoya une copie, avant sa mort, au garde des sceaux Chauvelin. Si Votre Altesse sérénissime était curieuse de cet ouvrage, je le chercherais et je le confierais à votre prudence ; il est d’une rareté extrême.

J’ai l’honneur, madame, de vous envoyer un des mémoires qui commencent à courir sur une affaire qui intéresse tous les honnêtes gens. Je ne crois pas que depuis la Saint-Barthélemy il y ait eu une aventure plus abominable. Le cœur de Votre Altesse sérénissime saignera en lisant cette histoire des fureurs catholiques de Toulouse. Les mémoires ci-joints supposent des pièces antérieures ; je ne les ai pas sous la main, et votre discernement verra aisément ce qui peut avoir précédé. Il se pourrait bien faire qu’une si horrible aventure causât une seconde émigration, et vous procurât quelques nouveaux sujets qui seraient plus sobres que la légion royale. On dit que le nouveau Pierre s’est brouillé avec les barbes de ses prêtres[2], et que les esprits sont fort animés. Je le crois bien ; le sujet en vaut la peine.

Agréez, madame, mon profond respect et mon attachement inviolable[3].


4991. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
4 auguste.

Mes divins anges, voici ce que je dis à votre lettre du 27 juillet : C’est une lettre descendue du ciel ; mes anges sont les protecteurs de l’innocence, et les ennemis du fanatisme. Ils font le bien, et ils le font sagement. J’envoie au hasard des mémoires, des projets, des idées. Mes anges rectifient tout ; il faudra bien qu’ils viennent à bout de réprimer des juges de sang, et de ven-

  1. Le Sermon des cinquante et les Sentiments de Meslier.
  2. Pierre III avait enjoint aux popes de se raser.
  3. Dans un catalogue d’autographes, une lettre de Dortous de Mairan à Voltaire est signalée à la date du 2 août 1762, avec cette mention : « Superbe lettre d’envoi d’un de ses ouvrages. Considérations sur la manière dont Voltaire traite les Chinois et les Égyptiens. »