Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/208

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J’ai toujours espéré que le jugement de Toulouse serait en exécration à l’Europe, et je vois que je ne me suis pas trompé dans mes espérances. Il y a longtemps que je sais que Mme  de Pompadour est très-touchée de cette abominable injustice ; c’est un grand point. Il faudra que l’innocence triomphe. La guérison de M. Debrus est une de nos plus grandes satisfactions. Je fais mille compliments à M. Cathala et à M. de Végobre, et je suis entièrement à leur disposition, etc. (sic).


4994. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
7 auguste.

Mes divins anges, mon cœur est bien gros. Je suis atterré de la piété du bailli de Froulai[1], et j’aime cent fois mieux le bailli du Droit du Seigneur. Est-il possible qu’il se soit déclaré contre les comédiens et contre ce bon curé de Saint-Jean-de-Latran ? Il n’aurait jamais fait pareille infamie du temps de Mlle  Lecouvreur et du chevalier d’Aidie.

Mon second tourment est l’inquiétude que j’ai pour dame Catherine[2] ; j’ai bien peur que ce vieux héros de comte de Munich n’ait pris le parti de l’ivrogne Pierre Ulric. Il est généralissime. Il aime peu les dames depuis qu’une d’elles l’a envoyé en Sibérie ; il est un peu Prussien : tout cela me donne beaucoup d’embarras.

Ma troisième douleur est l’affaire des Calas. Je crains toujours que monsieur le chancelier ne prenne le prétexte d’un défaut de formalités pour ne pas choquer le parlement de Toulouse. Je voudrais que quelque bonne âme pût dire au roi : « Sire, voyez à quel point vous devez aimer ce parlement : ce fut lui qui, le premier, remercia Dieu de l’assassinat de Henri III, et ordonna une procession annuelle pour célébrer la mémoire de saint Jacques Clément, en ajoutant la clause qu’on pendrait, sans forme de procès, quiconque parlerait jamais de reconnaître pour roi votre aïeul Henri IV. »

Henri IV gagna enfin son procès ; mais je ne sais si les Calas seront aussi heureux. Je n’ai d’espoir que dans mes chers anges, et dans le cri public. Je crois qu’il faut que MM. de Beaumont et Mallard fassent brailler en notre faveur tout l’ordre des avocats, et que, de bouche en bouche, on fasse tinter les oreilles du

  1. Ambassadeur de Malte en France ; l’église Saint-Jean-de-Latran, où s’était célébré le service pour Crébillon, avait le titre de commanderie de Malte.
  2. Catherine II. La révolution de palais avait eu lieu le 9 juillet.