Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/210

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roi, à moins qu’il y ait quelqu’un qui la fasse remarquer à Sa Majesté, et qui lui en ait déjà parlé, sans quoi cette démarche sera tout à fait inutile. D’ailleurs ne croyez pas que sa présence et son deuil puissent avoir la moindre influence sur l’événement du procès. Ce n’est point ici une affaire de faveur et de grâce, on ne demande que la justice la plus exacte ; tout dépend de l’opinion des juges, et cette opinion dépend beaucoup de celle du public, qui a pris avec chaleur le parti de cette famille infortunée. Laissons, je vous en conjure, commencer le procès ; ce sera alors que nous redoublerons nos batteries. Il faudra bien que l’on mène Mme Galas chez les juges : il faudra surtout que ce soit un homme intelligent qui la conduise chez eux en grand deuil, et plût à Dieu qu’elle fût même accompagnée d’un de ses enfants ! Leur présence seule vaudra cent pages d’écritures.

Si Mme Calas était une femme éloquente dont la figure, les discours et les larmes, fissent une profonde impression sur les esprits, si elle savait dire de ces choses qui ébranlent l’imagination des hommes et qui pénètrent le cœur, je lui dirais : Montrez-vous partout, parlez à tout le monde. Mais ce n’est pas là son caractère, M. Crommelin en est convenu avec moi. Il pense que dans le moment présent il faut qu’elle se montre peu, et qu’on agisse beaucoup pour elle. Je vous réponds que nous agissons bien, que tout ira bien, et je parierais cent contre un pour le gain de son procès.

Tranquillisez-vous donc, mon cher monsieur, et que votre vertu soit moins inquiète. L’homme du monde le mieux disposé est monsieur le contrôleur général[1], j’en ai des preuves certaines ; et je ne désespère pas de faire obtenir une petite pension à cette veuve, dès que l’infâme arrêt de Toulouse sera cassé.

Je vous embrasse du meilleur de mon cœur, et je suis entièrement à vos ordres. V.


Août 1762. (Date écrite au dos.)

4996. — DU CARDINAL DE BERNIS.
À Vic-sur-Aisne, le 7 août.

J’ai lu, mon cher confrère, la lamentable histoire des Calas, dont j’avais beaucoup entendu parler dans ma province. Il y a du louche des deux côtés ;

  1. Laverdy, ardent adversaire des jésuites, ne fut nommé contrôleur général des finances que le 12 décembre 1763. Son prédécesseur fut M. Bertin.